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Pour le pop/rock, c'est ici                          Pour le jazz, c'est                              Et pour l'électro, c'est


MUSIQUE CLASSIQUE



Vous allez trouver sur cette page un grand nombre de références en musique dite "classique". Il s'agit des chefs-d'œuvre parmi les plus reconnus des compositeurs évoqués, mais volontairement limités à un nombre "raisonnable"...
Sauf exception, je ne conseille pas d'interprétation, car celles que j'apprécie datent souvent de l'époque de ma découverte de ces œuvres, et ne correspondent pas aux interprétations à la mode aujourd'hui. En revanche, quand je précise une interprétation, c'est qu'elle est toujours considérée comme une référence exceptionnelle, voire indépassable, traversant les époques et les modes, devenue indissociable de l'œuvre jouée, aux yeux des connaisseurs.
Prenez votre temps, car il y a là sans doute des centaines d'heures de musique sublime qu'on ne consomme pas comme un hotdog... Et sachez que découvrir une grande œuvre se fait en l'écoutant pour elle-même, comme à un concert, sans avoir l'esprit occupé à autre chose ! S'il vous plaît, ne vous contentez pas des haut-parleurs de votre ordinateur...
Et si ça ne "passe" pas du premier coup, attendez et revenez-y plus tard. Votre sensibilité a encore besoin de s'affiner, de s'éduquer, de passer par d'autres voies...

Pour écouter gratuitement la plupart des morceaux évoqués, tentez votre chance sur MusicMe plutôt que sur Deezer, pauvre pour ce genre musical...

Les noms des œuvres conseillées sont en italiques grasses, ceux des morceaux qui sont juste cités mais pas spécialement conseillés sont en italiques normales...

ANNEXE II : A lire si vous n'y connaissez rien ou pas grand-chose...

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XVIIèmeXVIIIèmeXIXèmeXXème           
Pop/rock





HUME

ALLEGRI

BUXTEHUDE

PACHELBEL

PURCELL



COUPERIN

VIVALDI

RAMEAU

BACH

HAENDEL

SCARLATTI

DUPHLY

HAYDN

MOZART


BEETHOVEN

SCHUBERT

BERLIOZ

MENDELSSOHN

CHOPIN

SCHUMANN

LISZT

FRANCK

BRAHMS

DVORAK

FAURÉ

CHAUSSON

MAHLER
DEBUSSY

SATIE

IVES

RAVEL

BARTOK

STRAVINSKI

WEBERN

BERG

PROKOFIEV

ORFF

POULENC

CHOSTAKOVITCH
MESSIAEN

BRITTEN

LIGETI

NONO

GOUBAÏDULINA

PENDERECKI

PÄRT

REICH

GLASS

Electro











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XVIIème



HUME Tobias (1569-1645)

Ça n'est pas ce qu'on peut appeler un grand compositeur, et il n'a peut-être pas sa place dans ce guide, mais je mentionne néanmoins ce soldat musicien écossais parce que sa musique est principalement composée pour viole de gambe solo, instrument qu'il jouait, et dont il tire un univers original, plein de charme et envoûtant. En effet, écouter ces pièces variées et sobres à la fois fait merveilleusement goûter la beauté du timbre de cet instrument, riche et dépouillé, noble et sensuel, profond et suave. Son œuvre comporte deux recueils de pièces, The First Part of Ayres et
Captain Humes Pœticall Musicke, mais on n'en trouve que des sélections, dont les plus belles sont jouées par Jordi Savall ou encore Susanne Heinrich... Harke, harke est un bijou particulièrement emblématique de cette musique inspirée, profonde, douce et mélancolique.





ALLEGRI Gregorio (1582-1652)

L'œuvre la plus célèbre de ce compositeur italien est son Miserere, musique vocale et sacrée pour deux chœurs "a cappella" (sans accompagnement instrumental) d'une grande beauté. Les deux chœurs (un à 4 voix, l'autre à 5) sont situés à des endroits différents de l'église et se répondent, l'ensemble étant d'une grande pureté et d'une grande force émotionnelle. Ça ne dure qu'une petite dizaine de minutes à peine...



BUXTEHUDE Dietrich (1637-1707)

Compositeur allemand connu surtout par sa musique pour orgue, parce qu'elle a influencé le jeune Bach qui l'admirait, et qui y a manifestement trouvé une source d'inspiration, il compte en effet parmi les grands compositeurs baroques pour cet instrument. Certains le mettent même au niveau de Bach, mais, si ses compositions sont riches, variées, d'une belle diversité, inventives, il lui manque néanmoins le génie mélodique de son célèbre successeur, et on ne trouve quasiment pas de ces beaux airs qui marquent et font les chefs-d'œuvre. Je le mentionne néanmoins car sa musique est vivante et, bien que pas très facile d'accès, vaut de s'y plonger pour en découvrir les finesses. Parmi ses 80 œuvres pour orgue, les pièces les plus faciles d'accès, les plus séduisantes, sont des pièces répétitives et intenses :
- Chaconne en do BuxWV 159
- Chaconne en mi BuxWV 160

- Passacaille en ré mineur BuxWV 161
Il a aussi composé beaucoup de musique sacrée vocale, des cantates, dont le cycle le plus connu et sans doute le plus beau est "Membra Jesu Nostri" BuxWV 75, suite de 7 cantates ayant pour thèmes les plaies du Christ, et valant par la tristesse qui les caractérise.



PACHELBEL Johann (1653-1709)

Évidemment, je ne peux pas passer sous silence l'œuvre ultra et mal connue de ce compositeur allemand, le Canon et Gigue en ré, constitué d'un thème et de 12 variations, plus connu sous l'appellation abrégée "canon de Pachelbel". N'écoutez plus les versions romantiques qu'on a tirées de cette musique, et qui en font une guimauve particulièrement éthérée, étirée et molle. D'accord, cet arrangement moderne est beau, mais c'est tout de même sirupeux, grandiloquent, quasiment mortuaire, et n'a plus grand chose à voir avec l'original, musique du XVIIème siècle et non romantique... D'ailleurs, il est composé pour seulement 3 violons et basse continue... Alors, pour en goûter vraiment le sel, écoutez une version dite "baroqueuse", jouée à un tempo correct, et vous verrez que c'est en effet une jolie musique, mais beaucoup plus vivante, et pas vraiment un chef-d'œuvre, d'ailleurs... Comme c'est très difficile à trouver, car il existe des centaines de versions "modernes" et très peu de baroques, j'en cite une, qui plus est bon marché, mais pas forcément la meilleure : Pachelbel, canon et gigue, Chamber works, par l'ensemble London Baroque, chez Harmonia Mundi, collection Musique d'abord.
Bon, ça fait un bien long paragraphe pour une si petite pièce somme toute mineure, mais c'est pour la bonne cause, et j'en profite pour vous signaler que Pachelbel a aussi composé des cantates et de nombreuses pièces pour orgue qui valent le détour... Par exemple, on peut noter particulièrement deux pièces magnifiques :
- Chaconne en ré mineur : pièce très gracieuse au début, qui prend de l'ampleur et devient grandiose à la fin.
- Chaconne en fa mineur : une merveille de beauté et d'émotion, bien mieux que le fameux canon...



PURCELL Henry (1659-1695)

Traditionnellement reconnu comme le plus grand compositeur anglais, Purcell, qui n'a malheureusement vécu que 36 ans, avait un grand sens mélodique, et si on trouve dans ses (semi-)opéras des longueurs (inévitables dans ce registre), les beaux airs s'y rencontrent aussi, mêlant émotion, humour, tristesse etc. Ainsi, dans sa musique chantée, on trouve :
- Didon et Énée : son seul vrai opéra (c'est-à-dire où tout est chanté, ce qui est assez rare à l'époque), célèbre surtout pour la scène finale, la mort de Didon, où la force tragique et la douleur atteignent les sommets de la musique, avec un goût parfait qui renvoie toutes les boursouflures wagnériennes futures (comme les soubresauts pachydermiques de la mort d'Isolde par exemple) à la casse pour panzer... Et en plus, c'est un opéra court (un seul CD) qui peut être une bonne initiation à ce genre. Je vous conseille d'écouter une version où le rôle de Didon est chanté par Tatiana Troyanos, dont la voix est particulièrement chaude et émouvante, peut-être la plus belle Didon :
Purcell : "Dido & Aeneas", Tatiana Troyanos, Richard Stilwell, Felicity Palmer, English Choir English, Chamber Orchestra, dirigé par Raymond Leppard, publié par Apex
- Le roi Arthur (King Arthur) : sans doute le semi-opéra (hybride entre le théâtre et l'opéra) le plus connu de Purcell, notamment pour l'"air du froid"
. Il compte quelques-uns des beaux airs du compositeur, et s'écoute d'une traite avec plaisir, alternant joie, fraîcheur, tristesse, gravité, légèreté etc, et toujours d'une agréable vitalité, avec des airs entraînants...

La difficulté avec Purcell, c'est qu'on aimerait en faire un "best of", pour réunir ses plus beaux airs, piochés un peu partout, car ils sont disséminés dans tous les registres de ses œuvres... Je peux en tout cas conseiller :
- "Here the Deities approve", dans l'Ode à Sainte Cécile intitulée "Welcome to all the pleasures"
- "O Solitude"
- "Music for a while", tiré de "œdipus"
- "The Plaint (Let me weep)", dans "The Fairy Queen"
- "Ah! Ah! Ah! Belinda I am press'd", et "When I am laid in Earth", tous les deux tirés de "Didon et Énée", signalés plus haut et magnifiques...
- "Wondrous machine", tiré de "Hail! Bright Cecilia".
- "What power are thou" (le fameux "air du froid"), Passacaille "How happy the lover"... suivi de la ritournelle "For love ev'ry creature" dans le "King Arthur" déjà signalé.

La Musique pour les Funérailles de la Reine Marie est une musique religieuse posée, sobre, dont l'ouverture célèbre, funèbre et solennelle, est recommandable.

A titre personnel, je vous conseille une anthologie qui, loin de réunir tout ce qu'il y a de beau, regroupe quelques-unes de ses chansons les plus méditatives, dans le dernier disque enregistré en 1978 (moins d'un an avant sa mort) par Alfred Deller, l'homme qui a remis la voix de haute-contre au goût du jour dans les années 60. La voix est très spéciale et différente de celle des haute-contre actuels, mais elle est ici émouvante, dépouillée, notamment pour le célèbre et magnifique "Music for a while", accompagnée juste par une viole et un clavecin...
Purcell : "Music for a While", Alfred Deller (voix), William Christie (clavecin), Wieland Kuijken (viole de gambe), publié par Harmonia Mundi

On peut aussi écouter avec plaisir les 8 suites pour clavecin de Purcell, ensemble de pièces agréables, pas profondes ni très riches, mais charmantes par leur simplicité et leurs qualités mélodiques. Il faut ajouter à cela quelques pièces isolées, comme le Ground en ré mineur Z 222, et A new Ground en mi mineur Z 682, cette dernière pièce étant particulièrement belle...



HAUT  DE  LA  PAGE

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XVIIIème



COUPERIN François (1668-1733)

A ne pas confondre avec Louis et Armand-Louis (l'oncle et le cousin, eux
aussi compositeurs, mais de moindre importance). Grand spécialiste du clavecin, il a laissé 4 livres de pièces pour cet instrument, divisés en 27 ordres, totalisant plus de 230 morceaux... Il est considéré comme le maître absolu de cet instrument, et chacune de ses pièces est une miniature, où se mêlent grâce, légèreté, délicatesse, humour, tendresse, beauté etc. Le goût français par excellence. Dans cet ensemble, on peut noter, parmi les plus belles pièces :
Premier livre :
Ordre 1 : Allemande l'Auguste, Première courante, Les Sylvains. Ordre 2 :
Les Idées Heureuses, Allemande La Laborieuse, La Garnier, La Flatteuse. Ordre 3 : La Ténébreuse, La Favorite. Ordre 5 : La Logivère, La tendre Fanchon, La Flore, Les Agréments.
Second livre :
Ordre 6 :
Les Barricades mystérieuses (sa pièce la plus célèbre), Les Bergeries. Ordre 7 : La Ménétou. Ordre 8 : La Raphaële, Passacaille, La Morinète. Ordre 11 : La Castelane, Les Graces-naturelles, Les fastes de la grande et ancienne Mxnxstrxndxsx (Ménestrandise).
Troisième livre :
Ordre 13 : Les Lys naissants, Les Roseaux, Les Folies françaises. Ordre 17 : La superbe ou la Forqueray. Ordre 18 : Allemande La Verneuil. Ordre 19 : La Muse Plantine, L'artiste.
Quatrième livre :
Ordre 21 : La Reine des cœurs, La Couperin, La Harpée, La Petite Pince-sans rire. Ordre 22 : Le Point du jour, Allemande. Ordre 24 : Les Vieux Seigneurs, L'Amphibie. Ordre 25 : La mystérieuse, Les Ombres errantes. Ordre 26 : La Convalescente, L'Épineuse. Ordre 27 : L'Exquise, Allemande.
A cela s'ajoute L'art de toucher le clavecin, petit recueil de 9 pièces courtes (8 préludes et une allemande), où rien n'est à jeter...

Si déjà vous aimez ces pièces, vous voudrez découvrir le reste...

Pour cette musique gracieuse et pleine de charme, le clavecin convient mieux que le piano.

A compléter...



VIVALDI Antonio (1678-1741)

Bien sûr, tout le monde connaît les "4 saisons", et on croirait que Vivaldi n'a rien composé d'autre. D'abord, c'est un fait, les 4 saisons, qui sont 4 des 12 concertos pour violon opus 8, sont en effet un chef-d'œuvre, et il faut réussir à oublier qu'on les a entendues partout pour les goûter à leur juste valeur (c'est un compositeur à écouter plutôt dans des interprétations baroques). Ensuite, ce violoniste vénitien a composé beaucoup d'autres concertos pour formations diverses aussi intéressants (classés des opus 1 à 14), beaucoup d'opéras, et aussi des musiques vocales religieuses (on parle alors de musique sacrée). C'est sans doute parmi ces dernières que figurent ses plus belles œuvres :
- Stabat Mater  RV 621 :  le chef-d'œuvre, empreint d'une tristesse douloureuse, pour voix d'alto. Incontournable.
- Nisi Dominus RV 608 : certains passages lents et tristes sont très beaux. 

- Dixit Dominus RV 595 : plus serein, mais du même genre.
- Magnificat RV 610
- Gloria RV 588
: alternance de la vitalité rayonnante
des chœurs et de la beauté douloureuse du chant soliste.
- Gloria RV 589 : à peu près la même chose.
- Laudate pueri RV 600
- Laudate pueri RV 601 : comme la précédente, une cantate pour une voix soliste, à la fois virtuose et émouvante.
- In furore RV 626

Si vous aimez sa musique orchestrale ("4 saisons"), et son caractère vivant, chantant,
ensoleillé, vigoureux et tendre, qui sont les caractères principaux de la musique de vivaldi, alors vous allez sans doute apprécier un certain nombre de ses divers concertos, parfois faits à la chaîne, assez souvent dans un même style, mais agréables dans l'ensemble, souvent (très) courts. Dans les concertos pour cordes, par exemple, composés de trois mouvements oscillant entre 1 et 3 minutes (!), on trouve quelques perles mélodiques : RV 109 (mvt 1), RV 110 (mvt 1), RV 112 (mvts 1 et 2), RV 120, RV 127 (mvts 1 et 3), RV 143 (mvt 1), RV 152 (mvts 1 et 3), RV 156 (mvts 1 et 3), parmi d'autres, chacun étant tellement bref qu'on regrette que les thèmes ne soient pas plus développés...
Parmi ses concertos pour flûte, les plus beaux sont le RV 439, dit "La Notte", et RV 441. Le style est très proche des "4 saisons".
Il y a aussi évidemment les célèbres :
- Concerto pour mandoline en do majeur RV 425 : délicieux de fraîcheur.
- Concerto pour deux mandolines en sol majeur RV532 : au très joli et connu mouvement central.
- Concerto pour luth en ré majeur RV 85
:
lui aussi très connu pour son tendre mouvement lent.
- Concerto pour 2 violoncelles en sol mineur RV 531

On notera aussi ses sonates pour violoncelle et basse continue RV 40, 41, 43, 45, 46 et 47, notamment la 40 pour son très beau troisième mouvement (largo), et la 46 pour son premier mouvement (largo).

A compléter...




RAMEAU Jean-Philippe (1683-1764)


Compositeur français surtout connu pour ses opéras (une trentaine), c'est un des grands musiciens baroques. Malheureusement, l'opéra est à l'époque très codifié, et obéit à des conventions, notamment celle de devoir plaire à la Cour, ce qui fait que les livrets sont en général d'une indigence affligeante, entre mythologie de bazar et ode à la gloire du roi ; et une préciosité passablement ridicule, n'en déplaise aux baroqueux, grève l'intérêt d'une grande partie de ces œuvres. Rameau y fait pourtant preuve d'une certaine invention, d'une assez belle richesse mélodique, et d'orchestrations aux sonorités aériennes, mais les perles sont assez rares et enfouies sous les platitudes maniérées de l'époque, rendant pénible l'écoute intégrale de ces opéras... C'est pourquoi je ne donne pas de conseil précis. Il faudrait isoler les plus beaux morceaux, et en faire un "best of", notamment certaines ouvertures comme celle de Zais, magnifique, alternant coups de timbales et montées de cordes ensoleillées... On peut cependant mentionner une version des Indes Galantes qui n'en garde que les suites orchestrales, et qu'on trouve sous le nom "Les Indes galantes, suites d'orchestre" : elle donne une bonne idée de la vitalité de cette musique dansante, pleine de bonne humeur communicative. C'est là que l'on entend le délicieux air des sauvages. La suite d'orchestre tirée de l'opéra Dardanus donne aussi une bonne idée de cette musique légère, charmante, à défaut d'être géniale. On retrouve cette vitalité et la clarté des couleurs orchestrales de Rameau dans les très agréables suites de ballets tirées de Les Fêtes d'Hébé et Hyppolite et Aricie.

Mais il a aussi et surtout composé
3 Livres de pièces pour le clavecin, divisés en 5 suites qui tiennent sur 2 CD, qui sont sans doute ce qu'il a fait de mieux. C'est une musique variée, vivante, mais moins riche, moins gracieuse et moins haute en chefs-d'œuvre que les pièces de Couperin. Cette musique passe bien aussi au piano, mais je la préfère personnellement au clavecin, comme celle de Couperin. A noter particulièrement :

le Prélude de la suite en la du premier livre, la gigue en rondeau I, Le rappel des oiseaux et La musette en rondeau de la suite en mi du 2ème livre, appelé "Pièces de clavecin", Les tendres plaintes, Les niais de Sologne et Les soupirs de la suite en ré du 2ème livre, la Gavotte avec 6 doubles de la suite en la du 3ème livre, et La poule et Les sauvages de la suite en sol du 3ème livre (liste non exhaustive).
Parmi les interprétations au clavecin, une se détache des autres, par la beauté sonore de l'instrument, la qualité de la prise de son et le jeu d'une lisibilité et d'une sensibilité exemplaires :
Rameau : intégrale des œuvres pour clavecin par Scott Ross, mais édition épuisée...
Avec la musique de Rameau, on est moins dans le génie que le charme, et la saveur de cette musique nécessite des interprétations baroques colorées, enlevées, dansantes, vivantes, alertes etc. Il y faut du relief.



BACH Johann Sebastian (1685-1750)

Considéré à peu près comme le plus grand compositeur de tous les temps, tôt ou tard, si on aime la musique, on y arrive, et on ne le quitte plus. Avec 1127 numéros d'opus (œuvres recensées), il vaut mieux ne pas l'attaquer de front et avoir quelques conseils...

- Suites pour violoncelle seul BWV 1007 à 1012 : 6 suites de danses pour un instrument aux sonorités chaudes, émouvantes, profondes, parmi ce que Bach a fait de plus beau. C'est dépouillé, intime, magnifiquement chantant, vivant, profond, varié. Sublime... On peut apprécier des versions baroques et d'autres dites "modernes", les deux approches étant sensiblement différentes, mais également belles. Pour les interprétations baroques, je conseille celles de Jaap Ter Linden, Jean Guyhen Queyras ou encore d'Alexander Rudin. Pour les interprétations modernes, mes préférences vont à Pierre Fournier et Paul Tortelier... Ces œuvres font partie de ce qu'on emporte sur une île déserte...
- Sonates et partitas pour violon seul BWV 1001
à 1006 : à peu près les mêmes remarques mais pour une suite de 3 sonates et 3 partitas pour violon. L'instrument est moins sensuel, moins chaud que le violoncelle, mais plus virtuose et donne vraiment l'impression de s'élever vers un niveau de sensibilité supérieur, d'être plus intelligent... Préférez plutôt des versions non baroques, ces dernières étant souvent plus froides, plus grinçantes, moins émouvantes...

Bach a beaucoup composé pour clavier (clavecin à l'époque), dont voici quelques chefs-d'œuvre, que vous pouvez écouter soit dans des interprétations respectueuses de l'instrumentation d'époque, au clavecin, soit au piano, instrument postérieur à la vie de Bach. C'est beau dans tous les cas, et c'est à vous de voir quelles sonorités vous préférez :
- Variations Goldberg
BWV 988 : l'un des phares les plus réputés de la musique de Bach, c'est un ensemble composé d'un air (aria), de 30 variations sur ce thème et du retour de l'air, soit 32 courts morceaux pour clavecin qui s'enchaînent. C'est varié, vivant, fin, intelligent, subtil, coloré, enthousiasmant, et ça met franchement de bonne humeur. Je vous conseille d'entendre cette musique au piano, car, d'une part, c'est sans doute plus facile d'accès que le clavecin quand on n'est pas habitué, et d'autre part le jeu gagne en lisibilité, en nuances, en finesse. Et là, bien qu'on puisse la décrier, il faut avoir entendu au moins une fois la version de Glenn Gould, l'un des pianistes les plus controversés des années 50 à 70, à cause de ses partis pris excessifs. C'est fascinant et magnifique.
Bach : Variations Golberg BWV 988 par Glenn Gould, Sony (version de 1981)
Bien sûr, ses œuvres les plus réputées dans ce domaine, après les "variations Goldberg", sont l'Art de la fugue, le Clavier bien tempéré, et l'Offrande musicale, considérés comme le summum de l'art du contrepoint. Or, sans tenter de vous expliquer ce que c'est, sachez que c'est un type de composition plus centré sur des jeux de structures que mélodiques, ce qui signifie que, si c'est techniquement passionnant, c'est nettement moins facile d'accès que des pièces davantage basées sur une approche mélodique, moins intellectuelles et souvent plus séduisantes et émouvantes. C'est pourquoi je conseillerais plutôt :
- six suites françaises BWV 812 à 817 : beaucoup moins ambitieuses que les œuvres citées précédemment, elles présentent une musique agréable, sensible, vivante, qui s'écoute dans la continuité (un seul CD pour les 6 suites), avec beaucoup de plaisir... Goût personnel : la version de Glenn Gould au piano reste unique et d'une lisibilité exceptionnelle...
- six partitas BWV 825 à 830 : 6 suites de 6 à 7 mouvements (de danse pour la plupart), musique fine, émouvante, délicate, variée, colorée, vivante, avec des lignes mélodiques charmantes.

- Concerto italien en fa majeur BWV 971 : parmi les pièces les plus connues de Bach, c'est un feu d'artifice, de bonne humeur, sauf le mouvement central, marqué "largo", particulièrement émouvant et beau... Un grand "classique".

L'œuvre de Bach comporte beaucoup de compositions vocales religieuses. Dans le registre de la musique sacrée, il est surtout connu pour avoir composé trois grandes œuvres monumentales, où alternent les airs solistes et les chœurs, dont certains sont magnifiques :
- La Passion selon Saint Jean BWV 245 :
œuvre monumentale (2 heures), parmi les plus célèbres de Bach, réputée pour la beauté de ses chants, mais il faut savoir qu'elle est surtout constituée d'un dialogue entre les récitants et le chœur, pour respecter la liturgie, ce qui peut paraître long et assez monotone à une oreille non habituée à ce type d'œuvre. Il n'est donc pas sacrilège de se fournir une compilation élaguant tous les récitatifs et regroupant les airs les plus beaux, qui sont, par numéros (ne correspondant pas aux plages des CD, il faut consulter la liste des titres pour ça) :
- 1. le chœur d'ouverture,
"Herr, unser Herrscher", d'une intensité dramatique rare à cette époque, quasi romantique, d'un souffle unique, qui vous plonge tout de suite dans le sublime. Une des plus belles pages de l'histoire de la musique. Si vous n'aimez pas ce premier morceau, ça n'est pas la peine d'aller plus loin dans l'œuvre... Pour l'île déserte.

- 7.
"Von den Stricken meiner Sünden", un air pour contralto doux et agréable.

- 9.
"Ich folge dir gleichfalls mit freudigen Schritten", air pour soprano, frais, délicieux, accompagné par une flûte qui prend le relais de la voix.

- 20.
"Erwäge, wie sein blut gefärber Rücken", longue et douce complainte pour ténor sur les souffrances du Christ.

- 30.
"Es ist vollbracht", lente lamentation pour contralto sur la mort du Christ coupée par un chœur énergique plein de force.

- 35.
"Zerfliesse, mein Herze", complainte magnifique pour contralto, émouvante, alliant la délicatesse, la luminosité du chant, et la profondeur sombre de l'orchestre.

- 39. "Ruht wohl, ihr heilige Gebeine", belle mélodie calme, sereine, apaisante chantée par le chœur.


- La Passion selon Saint Mathieu BWV 244 : plus fournie en musiciens que la précédente, fait chanter deux chœurs qui se répondent (au lieu d'un). Mêmes qualités que la précédente et un voyage de 2H40, où les étapes les plus belles sont :
- 1. Chœur d'ouverture "Kommt, ihr Töchter, helft mir klagen", moins fougueux, fiévreux, romantique, que celui de la Passion selon Saint-Jean, mais tout aussi douloureux et intense.
- 10. "Buss' und Reu'", belle mélodie pour contralto rehaussée par des flûtes.
- 36. "Ach, nun ist mein Jesus hin", air pour contralto avec chœur,
- 47. "Erbarme dich, mein Gott", air pour contralto sublimement douloureux. L'un des plus beaux airs de Bach, à mettre de côté pour l'île déserte.
- 61. "Können Tränen meiner Wangen nichts erlangen", même qualité.
- 75. "Mach dich, mein Herze, rein", air pour basse, ample, calme, serein, fervent aussi...
- 78. "Wir setzen uns mit Tränen nieder", chœur final magnifique, ample, profond et doux.

- Messe en Si mineur BWV 232 : à la grande différence des Passions, cette messe n'a pas les récitatifs qui les alourdissent sensiblement, par leur caractère monotone et répétitif. Tout est chanté sur des airs variés, contrastés, riches, tantôt doux, tantôt puissants avec des chœurs accompagnés de cuivres éclatants. C'est donc une œuvre plus accessible, mais où les beaux airs sont plutôt moins nombreux. Il y en a néanmoins quelques-uns parmi les plus beaux qu'il ait composés :
- dans le Kyrie, le chœur d'ouverture, "Kyrie eleison", est magnifique de puissance, de douleur et de ferveur, un de ces morceaux intemporels pour l'île déserte...
- dans le Gloria, la partie VII, "Qui sedes ad dexteram Patris", air pour contralto.
- dans le Credo, la partie IV, "Et incarnatus est", est un chœur très doux, lent, funèbre, profond et douloureux. La partie V, "Crucifixus", présente les mêmes caractères et la même beauté. La partie X, "Et expecto", est aussi un des beaux passages.

- Enfin, dans l'Agnus Dei, qui clôt l'œuvre, la première partie qui porte le même nom est un des airs les plus sublimes de l'histoire de la musique, et un des deux ou trois plus beaux de Bach. C'est à nouveau un chant pour contralto, douloureux et plein de grâce, à emporter sur l'île déserte... On le retrouve d'ailleurs dans la première partie de l'Oratorio de l'Ascension, BWV 11, morceau IV, sous le titre "Ach bleibe doch, mein liebtes Leben".

- Messe en sol mineur BWV 235 : œuvre de proportions beaucoup plus modestes que les précédentes, elle en a néanmoins les qualités et la beauté des plus beaux passages. Sur les 6 mouvements, un seul ne s'impose pas (Qui tollis), tout le reste étant superbe, le chœur du Kyrie qui ouvre la messe, celui du Gloria qui suit, l'air pour basse Gratias, le Domine Fili chanté par une voix d'alto et enfin le chœur final Cum Sancto Spiritu. Un chef-d'œuvre.
Parmi ses autres messes, on peut aussi signaler la Messe en fa majeur BWV 233, qui n'a pas de bel air remarquable, et n'est donc pas un chef-d'œuvre, mais des chœurs somptueux, puissants, virtuoses, pleins d'énergie positive et triomphante ; ainsi que la Messe en la majeur BWV 234, particulièrement pour le Kyrie, le Gloria et le Qui tollis...


Parmi les 200 cantates qu'il a écrites
pour accompagner les offices religieux, qui sont toujours agréables à entendre, il y en a de bien meilleures que d'autres, certaines ayant une beauté équivalente aux plus beaux airs des passions déjà mentionnées :
- "Christ lag in Todes Banden" BWV 4
- "Ich hatte viel Bekümmernis" BWV 21

- "Ich habe genug" BWV 82 : l'une des plus réputées et des plus belles.
- "Wir müssen durch viel Trübsal in das Reich Gottes eingeben" BWV 146
- "Laß, Fürstin, laß noch einen Strahl" BWV 198 : c'est une ode funèbre.

Bach a aussi composé des concertos de toutes sortes, et parmi les plus beaux :
- Concerto pour violon en la mineur BWV 1041,
- Concerto pour violon en mi majeur BWV 1042,
- Concerto pour 2 violons, cordes et basse continue BWV 1043,
- Concerto pour hautbois, violon, cordes et basse continue en ré mineur BWV 1060
Tous ces concertos sont sublimes, pleins de vie, d'allant, et chantent avec une humanité profonde... Ils comptent parmi les œuvres les plus faciles d'accès et les plus appréciées de Bach.

- Concertos pour clavecin BWV 1052 à 1058, et particulièrement en ré mineur BWV 1052, et en ré majeur BWV 1054.
- Concerto pour 2 clavecins, cordes et basse continue BWV 1062,
Ce sont donc des concertos pour clavecin offrant à peu près les mêmes qualités que les concertos cités plus haut, mais je les préfère dans des versions jouées au piano : l'instrument est plus rond et plus pauvre en harmoniques que le clavecin, mais il gagne en nuances, en lisibilité, en puissance aussi, et, s'il n'a pas le scintillement ni l'acidité du clavecin, il est plus riche en possibilités expressives... 

On trouve aussi dans l'œuvre de Bach un nombre très important de pièces composées pour l'orgue, cet énorme truc plein de tuyaux que vous voyez souvent dans les églises, et que vous croyez fait uniquement pour émettre des sons un peu mous sur des mélodies informes pendant la messe, réservé à un usage religieux... Or, comme beaucoup de compositeurs, Bach a fait des musiques profanes pour cet instrument aux possibilités sonores exceptionnelles, le plus riche et le plus puissant de tous les instruments acoustiques... Parmi les plus belles pièces :
- Chorals Schübler BWV 645 à 650 : 6 pièces courtes délicates, fines, enjouées... De très belles miniatures.
- Trio d'après une sonate en trio en do mineur de Friedrich Fasch BWV 585 : un petit bijou de tendresse...
- Pastorale en fa majeur BWV 590 : musique joyeuse, légère, et fraîche, dans l'esprit des chorals.
- 6
Sonates en trio BWV 525 à BWV 530 : on dit qu'un organiste qui sait jouer ça peut tout jouer, tant c'est difficile... C'est en tout cas un ensemble exceptionnel de finesse, d'intelligence et de beauté mélodique. Sans doute ce qu'il y a de plus beau dans l'orgue de Bach.
- Toccata, adagio et fugue en do majeur BWV 564 : après un premier mouvement démonstratif et plein de bravoure, et avant la fugue qui à nouveau est extravertie et lumineuse, l'adagio est magnifique de pudeur, de douceur...
- Toccata et fugue en ré mineur BWV 565 : incontestablement l'œuvre la plus connue de Bach... Incontestablement géniale aussi.
- Passacaille et Fugue en Do mineur BWV 582 : une œuvre titanesque, plus belle encore que la précédente, par le thème de basse sur huit mesures qui accompagne tout le premier mouvement et donne une puissance ténébreuse et tragique à l'œuvre...
- Prélude et fugue en ré majeur BWV 532
- Fantaisie et fugue en do mineur BWV 537
- Prélude et fugue en ré mineur BWV 539
- Fantaisie et fugue en sol mineur BWV 542
- Prélude et fugue en la mineur BWV 543
Œuvres puissantes, extraverties, tourbillonnantes et virtuoses qui vous emportent dans un flot sonore monumental...

A compléter...



SCARLATTI Domenico
(1685-1757)

Compositeur italien fortement inspiré par la musique espagnole, à ne pas confondre avec son père, Alessandro, lui aussi musicien, il est surtout connu pour avoir écrit 555 sonates pour clavecin, qui forment un ensemble monumental (pas moins d'une bonne trentaine de CD). "Sonate" n'a pas le sens moderne de ce terme et désigne ici une pièce plutôt courte (de 2 à 6 minutes, rarement plus), d'un seul mouvement. C'est une musique assez inventive, virtuose, souvent tonique, mais écouter plus de quelques sonates à la suite n'est pas conseillé, car cela peut paraître répétitif et monotone à une oreille pas exercée. Ça n'est de toutes façons pas fait pour être écouté en continu... Or, sur les 555, certaines sont plus séduisantes et appréciées que les autres :
- Sonates K 1, 3, 9, 27, 30, 32, 52, 58, 61, 69, 77, 87, 98, 106, 109, 126, 132, 141, 162, 183, 197, 206, 208, 213, 234, 247, 283, 296, 322, 380, 426, 427, 434, 481, 466, 474, 531, 532, 534, 544...
Plus encore pour Scarlatti que pour Bach, même si c'est une musique faite pour le clavecin, je conseille des versions au piano, qui apportent une palette de nuances et une lisibilité particulièrement appréciables dans ce répertoire qui fait la transition entre le baroque et le classique, et où les harmoniques très riches et le caractère étincelant du clavecin tendent à masquer les lignes mélodiques des pièces les plus virtuoses...
Parmi les anthologies au piano les plus belles, il y a celles de Marcelle Meyer, Vladimir Horowitz,  pour les interprétations historiques, et Christian Zacharias, dont les enregistrements plus récents sont excellents.



HAENDEL Georg Friedrich
(1685-1759)

Compositeur d'origine allemande installé en Angleterre (raison pour laquelle son nom s'écrit aussi "Handel"), il est connu surtout pour ses musiques festives "Water music" et "Royal fireworks", souvent utilisées, musiques charmantes, agréables, avec quelques jolis airs, mais sans profondeur, pas géniales et plutôt surestimées (où il faut tout de même dégager le délicieux et irrésistible air de la troisième suite, en sol majeur). Il a surtout composé un grand nombre d'oratorios où s'épanouissent la beauté et la force des chœurs, avec des lignes mélodiques souples, vivantes, et des airs pour solistes influencés par la musique italienne de l'époque. Mais, beaucoup de ses œuvres étant alimentaires et conformes aux conventions d'alors, si elles sont agréables, prises dans leur globalité, et d'une chaleur communicative, peu sont à la hauteur des plus belles compositions de l'époque, et aucune au niveau des belles pages de Bach. Parmi ses oratorios, on peut évoquer :
- Messiah HWV 56 (le Messie) : l'oratorio le plus connu d'Haendel, à cause du fameux "Alleluiah", est un de ses chefs-d'œuvre. Tout n'est pas du même intérêt dans les 2h30 de musique, mais on y trouve des airs
magnifiques devenus célèbres, et une vie, une musicalité, une allégresse, mais aussi des mélodies émouvantes douloureuses, qui sont la marque du meilleur Haendel.
- Israel in Egypt HWV 54 (Israël en Egypte) : sans doute l'oratorio le plus homogène et le plus agréable d'Haendel, et l'un des plus appréciés, parce qu'il est centré sur les chœurs, souvent lents et sombres, plutôt tristes, et d'une certaine beauté. Sans doute pas d'air qui sorte vraiment du lot et fasse chef-d'œuvre, mais une musique équilibrée, grave, douce, bien qu'un peu trop linéaire sur les deux bonnes heures que dure l'œuvre. L'ensemble s'entend dans la continuité avec plaisir, car les chœurs omniprésents donnent une respiration ample et puissante à la musique.
- Dixit dominus HWV 232 : œuvre de dimensions réduites (une grosse demi-heure), elle est un condensé de ce que Haendel a fait de mieux, de plus vivant. Aucun ennui, du chant habité d'un bout à l'autre, pas de faiblesse, une œuvre homogène très agréable à entendre, et même émouvante dans le duo "De torrente in via bibet", avec une belle ferveur religieuse. Bonne introduction à la musique de Haendel.

Dans sa musique pour orchestre, on peut écouter avec plaisir ses Concerti grossi opus 3 et 6, qui, sans être des chefs-d'œuvre, sont très agréables, charmants, d'une musique vivante, fraîche, enlevée, idéale en fond sonore.

Il a composé aussi des pièces pour clavecin, dont, principalement :
- 8 suites pour clavecin de 1720 : entre 4 et 6 mouvements par suite, dont les plus beaux passages font penser à François Couperin, par leur grâce et leur délicatesse. Les plus belles pièces sont : le Prélude et l'Allemande de la suite n°1 en la majeur, les deux adagio de la suite n°2 en ré majeur, l'Allemande de la suite n°3 en ré mineur, la totalité (Prélude, Allemande, Courante et Air) de la jolie suite n°5 en la majeur, pleine de charme et de délicatesse, le Prélude et la Gigue de la suite n°6 en fa dièse mineur, la Gigue et la Passacaille de la suite n°7 en sol mineur, et enfin le Prélude, la Fugue et la Courante de la suite n°8 en fa mineur.




DUPHLY Jacques
(1715-1789)

Claveciniste français méconnu qui a somme toute peu composé, son œuvre se résume à 4 livres de pièces pour clavecin, dont la qualité est d'un niveau proche de la musique de François Couperin. C'est une musique emblématique du goût français de l'époque, entre solennité, distinction, tendresse, grâce, finesse, mélancolie etc. Parmi ces pièces, dont la totalité tient sur 4 CD, on peut noter particulièrement :
- Livre I : Allemande, Courante
- Livre II : La Félix, Les Colombes
- Livre III : La Forqueray, Les Grâces, La De Villeneuve
- Livre IV : La De Drummond, La Pothouin, La Dubuq
La grâce de ces pièces colorées et variées ressort très bien au clavecin, sans doute mieux qu'au piano...




HAYDN Joseph (1732-1809)

Le cas de Haydn est un peu difficile à traiter ici car, si c'est un compositeur allemand réputé, prolifique (il a énormément composé), les chefs-d'œuvres sont rares. Excellent artisan, sa musique est agréable, et tout mélomane l'écoute avec un certain plaisir, mais elle manque néanmoins souvent du souffle et du génie mélodique qui font les grands... Bref, il faut beaucoup chercher pour trouver des œuvres à la hauteur du reste de la liste.
- "Les sept dernières paroles du Christ en croix" Hob XX/2 : cette œuvre initialement composée sans partie vocale, puis transcrite pour quatuor à cordes, est, dans sa troisième version, un oratorio pour chœur, solistes et orchestre. Cette dernière
est une musique ample, forte, belle comme un requiem, souvent empreinte de douceur et sans faiblesse. Une heure très agréable... La version pour quatuor à cordes, opus 51 Hob III/50-56, est aussi à écouter.
- "La création" : oratorio
pour chœur, solistes et orchestre, c'est une œuvre de grandes proportions (1h45'), parmi les plus réputées de Haydn, mais elle vaut essentiellement pour son ouverture instrumentale de 8 minutes, d'une belle intensité tragique, et par son chœur final (4 minutes) enlevé et puissant. Le reste est agréable, avec beaucoup d'airs légers, frais, mais sans profondeur. "Les saisons", autre oratorio réputé de Haydn, encore plus long (2h20'), n'a pas ces beaux moments, mais a plus de relief, et beaucoup plus de passages amples et vivants pour chœurs, avec des masses sonores plus imposantes. Ça s'entend agréablement, bien que trop long et manquant de beauté mélodique.

Il a écrit pas mal de sonates pour piano qui, comme celles de Mozart, sont agréables sans avoir la force ni la qualité émotionnelle d'un Beethoven, et on peut retenir parmi les plus recommandables, sans parler de chefs-d'œuvre :
- Sonate n° 19 en mi mineur Hob XVI/47 : premier mouvement adagio simple mais assez beau.
- Sonate n° 31 en la bémol majeur Hob XVI/46 : surtout le premier mvt, vif, raffiné, espiègle, et le 2ème mvt, fin, joli, délicat.
- Sonate n° 47 en si mineur Hob XVI/32 : surtout le premier mouvement.
- Sonate n° 59 en mi bémol majeur Hob XVI/49 : pas géniale, mais pré-romantique et de composition équilibrée, surtout dans le deuxième mouvement.
-
Sonate n° 62 en mi bémol majeur Hob XVI/52 : pas profonde mais vivante, agréable, surtout le troisième mouvement, varié, nuancé, entre le dernier Mozart et le premier Beethoven...


A compléter...




MOZART Wolfgang Amadeus
(1756-1791)

Sans doute le nom de compositeur classique le plus connu du grand public, celui qu'on a appelé le "divin Mozart", comme si c'était aussi le plus grand, a énormément produit dans le peu de temps qu'il a vécu (l'intégrale de ses œuvres occupe 170 CDs), et le niveau est très inégal. Ses œuvres de jeunesse sont souvent peu intéressantes, et ses plus belles musiques se trouvent surtout après les numéros KV 300 (le catalogue va jusqu'à KV 626)...

Dans les œuvres de musique sacrée ressortent principalement :
- Requiem en ré mineur KV 626 : œuvre achevée par un de ses élèves, c'est une des plus justement réputées de Mozart, une de ses plus graves, plus fortes et plus profondes. 
- Grande messe solennelle en ut mineur KV 427 : moins urgente que le Requiem, cette œuvre est moins profonde, moins émouvante, mais elle est ample, élégante, grave aussi, avec de beaux moments tragiques, et de beaux duos vocaux entre deux sopranos aériennes...
- Messe du couronnement en ut majeur KV 317 : nettement en dessous des œuvres précédentes, dont elle n'a pas la beauté, ça n'est pas un chef d'œuvre, et elle n'a pas d'air remarquable, mais ça reste la troisième plus belle œuvre de musique sacrée de Mozart, puissante, virtuose, pleine de ferveur, avec des chœurs intenses, et une vitalité enthousiaste.

Mozart a composé une douzaine d'opéras, dont les plus célèbres (et les seuls bons) sont "Les noces de Figaro" KV 492, "Don Giovanni" KV 527, "Cosi fan tutte" KV 588, et "La Flûte enchantée" KV 620... Mais pour sa profondeur, sa force tragique, la beauté des personnages, je crois pouvoir dire que son plus grand est bien "Don Giovanni". L'histoire ne suit pas exactement la pièce de Molière, car elle est remaniée par le librettiste Lorenzo da Ponte, et mélange le comique et le tragique avec finesse... C'est un chef-d'œuvre et un des plus beaux opéras jamais écrits, notamment parce qu'il évite des pièges très courants dans ce genre : les lourdeurs, l'emphase, les grosses ficelles sentimentales et une certaine vulgarité qu'on trouvera dans l'opéra italien. Un conseil pour le voir : le film de Joseph Losey, évidemment du même titre, en est une excellente mise en scène et en images...

Auteur de 41 symphonies, c'est encore dans ses toutes dernières œuvres qu'il atteint le sommet :
- Symphonie n°39
en mi bémol majeur KV 543,
- Symphonie n°40 en sol mineur KV 550, la plus connue et un chef-d'œuvre...
- Symphonie n°41 en ut majeur KV 551, la plus puissante, avec un esprit assez proche de Beethoven...

Mozart a aussi écrit beaucoup de concertos, notamment pour piano (27). Parmi ceux-là, à peu près tous s'écoutent avec plaisir, mais quelques-uns sont particulièrement beaux, notamment pour leur mouvement lent central :
- Concerto pour piano
n° 9 en mi bémol majeur KV 271
- Concerto pour piano n° 20 en ré mineur KV 466

- Concerto pour piano n° 21 en do majeur KV 467 le plus connu.

-
Concerto pour piano n° 22 en mi bémol majeur K 482
- Concerto pour piano n° 23 en la majeur K 488

Parmi ses autres concertos, il y en a qui sont justement célèbres pour leur grâce et l'émotion qu'ils produisent :
-
Concerto pour flûte et harpe en ut majeur KV 299, musique légère, enjouée, virevoltante et tendre à la fois.
- Concerto pour clarinette en la majeur K 622, seul concerto composé pour cet instrument, et aussi le dernier concerto de sa vie... La chaleur et l'intimité de la clarinette s'ajoutent à la mélancolie profonde du deuxième mouvement...
- Symphonie concertante pour violon, alto et orchestre en mi bémol majeur KV 364, ni concerto, ni symphonie, et les deux à la fois, elle fait chanter le violon et l'alto en un très émouvant dialogue dans le deuxième mouvement, un andante ample. Les deux autres mouvements sont moins passionnants mais agréables...

Mozart a aussi composé beaucoup de musique de chambre, bien sûr, mais très peu d'œuvres se détachent. Parmi celles-ci :
- Quintette à cordes en sol mineur KV 516 : surtout pour la tension tragique du premier mouvement, la douceur et la tristesse des mouvements 3 et 4, l'une des pièces maîtresses de sa musique de chambre...
- Quatuor à cordes en ré mineur KV 421 : musique vivante, légère, mais aussi d'une tension délicate pré-romantique...
- Quatuor à cordes en do majeur KV 465 "les dissonances" : surtout pour le début du premier mouvement, très fin, et l'intégralité du deuxième, lent, où une courte phrase de 4 notes mélancoliques est répétée en écho par le premier violon et le violoncelle. Pièce délicate, triste et belle...




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XIXème



BEETHOVEN Ludwig van (1770-1827)

Il avait modestement pour projet de devenir le plus grand compositeur, et, si on excepte Bach (et encore), il y est parvenu. Exigeant avec lui-même, il n'a commencé à comptabiliser ses œuvres que lorsqu'elles l'ont satisfait, ce qui fait que seules celles-ci ont un numéro d'opus (op.). Toutes les autres, recensées depuis, portent la mention WoO ("Werke ohne Opus", ce qui veut dire "œuvres sans opus"). Je précise cela, parce que ce sont en général des travaux de jeunesse de peu d'intérêt, qu'il vaut mieux éviter si vous les rencontrez (sauf si vous voulez tout avoir), et je ne tiens compte dans cette liste que des œuvres avec numéro d'opus.

Comme chacun sait, il a composé 9 symphonies, et elles sont toutes bien, même les deux premières, pourtant de facture plus classique que romantique, car elles sont enlevées, pétillantes de vie, chantantes... Les avoir toutes est donc une idée judicieuse... Bien sûr, il y en a de plus belles, ou de plus puissantes que d'autres, mais il ne faut pas croire de ce qui suit que les deux premières sont à négliger :
- Symphonie n°3 en mi bémol majeur opus 55 "héroïque" : un chef-d'œuvre dont le premier mouvement vous emmène avec fougue et douceur dans des paysages amples, somptueux, à l'image même de ce caractère si propre à Beethoven, mêlant de façon unique une puissance presque surhumaine, une force effrayante et rassurante à la fois, et une délicatesse tendre et sûre, en un équilibre parfaitement stable... Le deuxième mouvement est sombre, profond, et ouvre des abîmes : c'est une marche funèbre magnifique. Les troisième et quatrième retournent à l'allure d'un beau voyage en calèche à travers la campagne, avec une grande vitalité, de la joie mais moins de profondeur...
- Symphonie n°4 en si bémol mineur opus 60 : souvent délaissée par rapport aux autres symphonies plus longues de Beethoven, elle n'est pas moins belle. Son premier mouvement, après une première période adagio, devient fulgurant d'énergie communicative ; le deuxième, avec son air de promenade bucolique, s'ouvre tout de même en son milieu sur un précipice vertigineux avant de reprendre la route avec moins d'assurance. Les deux derniers mouvements, comme dans la plupart des symphonies de Beethoven, sont pleins de vigueur joyeuse.
- Symphonie n°5 opus en do mineur op. 67 : comment ne pas en parler ? Les premières mesures les plus connues de toute l'histoire de la musique ! Et de fait, c'est génial, d'une puissance exceptionnelle qui vous agrippe et ne vous lâche pas. Ce premier mouvement est tout bonnement extraordinaire. Écoutez-le en entier pour voir qu'il ne contient aucune graisse. Après les deux mouvements intermédiaires, qui sont beaux mais pas les plus émouvants de Beethoven, on retrouve
dans le dernier l'énergie fabuleuse du premier mouvement. Une espèce d'apothéose pleine de joie et de violence.
- Symphonie n°6 en fa majeur opus 68 "Pastorale" : symphonie à programme, c'est-à-dire descriptive, elle figure différents événements de la campagne. Très agréable et ample, facile d'accès, elle n'est néanmoins pas la plus forte, ni la plus belle, ni la plus profonde...
- Symphonie n°7 en la majeur opus 92 : retour à la gravité et à la puissance avec le premier mouvement qui nous amène au clou de cette symphonie, l'allegretto du deuxième mouvement qui est une espèce de marche funèbre, la pièce la plus grave et la plus sombre de toutes les symphonies de Beethoven... Commençant très doucement, de façon à peine perceptible, l'orchestre s'enfle et arrive au comble du tragique au premier tiers du mouvement, avant de retomber presque aussitôt, revenant étonnamment à un volume plus calme... Un joyau étrange. Les deux derniers mouvements, comme à l'accoutumée, apportent plein de rebondissements joyeux, bourrés de vitalité et de force.
- Symphonie n°8 en fa majeur opus 93 : œuvre plus classique et moins romantique que les autres, plus proche des deux premières symphonies par son esprit, elle est sans doute la moins appréciée car elle ne comporte pas de passage tragique ou triste, et elle est plus courte, mais elle est d'une énergie franchement réjouissante...
- Symphonie n°9 avec chœur en ré mineur opus 125 : l'une des dernières œuvres de Beethoven, la plus violente et la plus grandiose aussi. D'une richesse, d'une énergie, d'une monumentalité, d'une masse sonore et d'une puissance qui ridiculisent bien des violences rock... L'écoute de la neuvième symphonie (avec "l'hymne à la joie" trop célèbre) est une expérience unique : soit on entre dedans et on exulte, soit on est agressé par cette densité et cette violence, et on capitule avant la fin... Un des plus grands chefs-d'œuvre de tous les temps... Chaque mouvement apporte son univers, et pourtant l'ensemble est d'une grande unité ; aucune mesure n'est en trop et c'est le flux de la vie même qui coule d'un bout à l'autre de cette œuvre-somme qui ne ressemble à aucune autre, même pas aux autres symphonies de Beethoven. Les couleurs sont inouïes et d'une variété enivrante (écoutez le deuxième mouvement pour vous en convaincre), les contrastes sont d'une évidence naturelle... Bref, je ne décris pas, car ça déborderait... Tout y est génial, ample, vivant pendant plus d'une heure, jusqu'à un final absolument fulgurant qui laisse l'auditeur hors de lui. Quant à ce fameux "hymne à la joie", c'est un des plus beaux airs jamais composés ! A mettre de côté pour l'île déserte.

J'oubliais une remarque très importante : beaucoup d'interprètes jouent cette musique trop lentement, ce qui est une erreur, car plus c'est joué vite, avec force et sécheresse, mieux c'est. Pour justifier mon propos, sachez que le chef qui a créé la neuvième à Londres, du vivant de Beethoven, et sur ses recommandations, a fait jouer cette œuvre en 50 minutes, là où nos contemporains l'étirent sur 1h10 ! Ça se passe de commentaire... De toutes façons, si vous écoutez attentivement ces symphonies, vous vous rendrez bien compte que leur exécution doit être foudroyante, brutale, violente...

- "Missa Solemnis" opus 123 : si vous aimez
le souffle des musiques religieuses et l'ampleur des chœurs de la 9ème symphonie, alors écoutez cette grande messe solennelle composée peu de temps avant. Musique monumentale, chœurs somptueux, voix de solistes traitées comme des instruments, et toujours l'énergie exceptionnelle de Beethoven...

Beethoven a composé 5 concertos pour piano, que l'on peut tous acquérir, car tous sont agréables, majestueux, amples, avec du mœlleux, de la vigueur, des phrases mélodiques séduisantes, et beaucoup de douceur dans les mouvements lents. C'est une musique chaleureuse, confortable, apportant de la bonne humeur, de la joie de vivre, une certaine sérénité aussi. Le plus brillant et le plus puissant est le dernier, le Concerto pour piano et orchestre en mi bémol majeur n°5 opus 73, dit "l'Empereur", où la musique coule de source d'un bout à l'autre, étincelante, rayonnante, généreuse, fastueuse, et vous entraîne dans le ruissellement du dialogue entre le piano et l'orchestre. Célèbre à juste titre, c'est l'exemple même de ce qu'est la musique à son plus haut niveau, chef-d'œuvre complet, une fête où l'on s'immerge avec un bonheur total et sans arrière-pensée. Les Concertos pour piano et orchestre n°3 en ut mineur op 37 et n°4 en sol majeur op. 58 sont aussi très beaux, bien qu'inférieurs.

Il a écrit 32 sonates pour piano. Toutes ont leurs charmes et sont agréables à entendre (posséder l'intégrale n'est pas du tout excessif, et est même une très bonne idée), et la première vaut déjà mieux que toutes celles de Mozart (auxquelles elle ressemble d'ailleurs, ainsi qu'à celles de Haydn), et son dernier mouvement est "déjà" très beau... Il faut donc, à mon avis, tout avoir, car aucune n'est creuse, et on ne s'ennuie jamais : ça respire, ça vit, ça chante merveilleusement, et on y trouve tout Beethoven, fort, riche, intelligent, drôle (et oui, aussi !), varié, subtil, émouvant, tendre etc. Mais il y en a évidemment qui sont de plus grands chefs-d'œuvre que d'autres :
- Sonate pour piano n°7 en ré majeur op. 10 n°3
-
Sonate pour piano n°8 en do mineur "pathétique" op. 13
- Sonate pour piano n°16 en sol majeur op. 31 n°1 : surtout le deuxième mouvement...
- Sonate pour piano n°17 en ré mineur "la tempête" op. 31 n°2
- Sonate pour piano n°21 en ut majeur "Waldstein" op. 53
- Sonate pour piano n°26 en mi bémol "les adieux" op. 81a
- Sonate pour piano n°28 en la majeur op. 101
- Sonate pour piano n°29 en si bémol majeur "Hammerklavier" op. 106 : sublime 3ème mouvement...
- Sonate pour piano n°30 en mi majeur op. 109 : le plus beau dernier mouvement qui soit... Une merveille.
- Sonate pour piano n°31 en la bémol majeur op. 110
- Sonate pour piano n°32 en do mineur op. 111
Ce sont là ses sonates les plus belles, et pour les cinq dernières, ce sont ses œuvres les plus complexes, les plus abouties, et pas forcément les plus faciles d'accès... Mais ces œuvres sont riches, fines, intelligentes, géniales... Mention personnelle spéciale pour la 30ème (op. 109), qui est peut-être la plus émouvante. Après deux premiers mouvements courts (le premier est magnifique), on sent que toute l'attention de Beethoven s'est portée sur le 3ème et dernier mouvement, qui constitue à lui seul plus des deux tiers de l'œuvre. C'est un adagio, donc un mouvement lent, comprenant l'un des plus beaux thèmes jamais composés. C'est sensible, fin et puissant à la fois, romantique et sublime. Pour l'île déserte...

Toujours pour piano seul, Beethoven a aussi composé des œuvres ayant d'autres formats que la forme-sonate, comme des bagatelles et des variations :
-
15 Variations "Héroïques"
en mi bémol majeur op. 35 : sur un thème marqué et presque comique se suivent 15 variations puissantes, pleines de vie, de contrastes, de jeu, alliant humour, force et virtuosité... Un régal.
- 6 Bagatelles op. 126 : parmi les toutes dernières œuvres du compositeur, ce sont de courts morceaux imprévisibles, où la mélodie se rompt et laisse place à de l'inattendu, des petits joyaux de finesse, loin des grandes constructions auxquelles Beethoven nous a habitués.


Beethoven a aussi composé 16 quatuors à cordes, formation de chambre par excellence, dont il a épuisé pour longtemps les possibilités (il faudra attendre Bartok pour redonner un tel intérêt et une telle force à ce genre). Tous sont à écouter, et, là encore, avoir l'intégrale n'est pas déraisonnable. Parmi les passages les plus séduisants et les plus beaux :
- les 6 premiers quatuors opus 18 sont encore très mozartiens, c'est-à-dire légers, agréables, vivants, mais peu profonds et encore très classiques. Le plus beau passage du lot est sans conteste le deuxième mouvement du quatuor n°1 en fa mineur, romantique à souhait,
déchiré, tendu et tendre.
- quatuor n°7 en fa majeur
"Razumovsky" opus 59 n°1 : après deux premiers mouvements légers, allants, vivants, le 3ème est un adagio magnifique, douloureux et doux qui, après une douzaine de minutes, enchaîne sur un allegro plein de vie.
- quatuor n°8 en mi mineur
"Razumovsky" opus 59 n°2 : surtout pour le 3ème mouvement, allegretto plein de charme qui succède à un beau deuxième mouvement adagio.
- quatuor n°9 en do majeur
"Razumovsky" opus 59 n°3 : il a un magnifique deuxième mouvement, andante avec pizicatti au violoncelle.
- quatuor n°10 en mi bémol majeur opus 74 dit "les harpes" : pour ses deux premiers mouvements frais, délicats, légers et chantants.
- quatuor n°11 en fa mineur opus 95 : vigoureux, dense et sec, il va à l'essentiel. 4ème mouvement surtout, dansant et tourmenté à la fois, comme un destin tragique.
- quatuor n°12 en mi bémol majeur opus 127 : particulièrement le deuxième mouvement, adagio tendre, posé, calme, fin, sans vraiment de mélodie identifiable, atteignant une forme d'abstraction, dans une atmosphère incitant à la sérénité.
- quatuor n°14 en do dièse mineur opus 131 : proche de la fin, Beethoven fait là un de ses chefs-d'œuvres absolus, 7 mouvements qui s'enchaînent pendant 40 minutes. Tout y est souverain, beau, intelligent, élégant, mêlant gravité, profondeur, finesse, mais aussi légèreté, humour, avec une évidence, une facilité exceptionnelles. Attention particulière pour le premier mouvement ample, lent, et le quatrième. Le septième et dernier mouvement est un galop, une chevauchée puissante avec un final magnifiquement tendu.
- quatuor n°15 en la mineur opus 132 : autre chef-d'œuvre incomparable, en cinq mouvements, où il faut particulièrement évoquer le troisième, d'un bon quart d'heure, parfaitement sublime, sans doute le plus beau mouvement de tous les quatuors de Beethoven.
- quatuor n°16 en fa majeur opus 135 : dernier numéro d'opus de Beethoven, c'est une œuvre nettement plus légère que les deux quatuors précédents, relativement courte, dont on soulignera la grande beauté du troisième mouvement, lent, magnifique de sensibilité, de douceur, de délicatesse, et la finesse du quatrième, oscillant entre des accents de gravité et une légèreté enjouée...
Il y a tant d'interprétations disponibles que, pour être sûr de ne pas vous tromper, je vous conseille deux parmi les meilleures, deux approches très différentes, celle du quatuor Italiano, sensuelle, rayonnante, suave et profonde, d'une musicalité somptueuse, et celle du quatuor Alban Berg, beaucoup pus âpre, sèche, pleine de vigueur, allant à l'essentiel.

Enfin, Beethoven a composé des œuvres moins profondes, moins fortes que beaucoup de celles évoquées jusqu'ici, mais agréables, pleines de charme, de beauté aussi. C'est le cas des 5 sonates pour piano et violoncelle, dont on retiendra surtout les trois premières, œuvres de jeunesse pas très originales, mais jolies, séduisantes, émouvantes, gracieuses :
- sonate pour violoncelle et piano n°1 en fa majeur opus 5 n°1
- sonate pour violoncelle et piano n°2 en sol mineur opus 5 n°2 : plus jolie que la première
- sonate pour violoncelle et piano n°3 en la majeur opus 69

Il en est de même pour les 10 sonates pour violon et piano, où Beethoven montre une facette plus légère, même humoristique, facétieuse. Les 3 sonates de l'opus 12 sont proches de Mozart, pas profondes, souriantes, enjouées, charmantes. On retiendra surtout :
- sonate pour violon et piano n°5 en fa majeur "Le Printemps"
opus 23 : comme son nom l'indique, c'est une œuvre pleine de fraîcheur, de vie, de grâce et d'humour.
- sonate pour violon et piano n°7 en do mineur opus 30 n°2 : deuxième des trois sonates de cet opus, elle est plus "mâle", plus tendue, avec plus de vigueur, mais garde charme et grâce.
- sonate pour violon et piano n°9 en la majeur opus 47 "à Kreutzer" : la plus célèbre, profonde, variée, contrastée, fougueuse des sonates pour violon, surtout dans ses premier et troisième mouvements, mais aussi pleine de tendresse, de douceur et d'humour dans le deuxième, où s'enchaînent pendant plus d'un quart d'heure, dans un raffinement délicieux, des variations sur un même thème, alternant cocasserie et gravité. Un petit joyau.

Ses 7 trios pour
piano, violon et violoncelle ne sont pas non plus parmi ses grands chefs-d'œuvre, mais il y a parmi eux de belles pages :
- trio pour piano violon et violoncelle en ré majeur opus 70 n°1 "des Esprits" : pour son deuxième mouvement, lent et assez beau, mais les deux autres mouvements sont peu captivants.
- trio pour piano violon et violoncelle en mi bémol majeur opus 70 n°2 : à mon sens son plus beau trio, le plus suave, léger, élégant, très agréable, homogène et sans faiblesse.
- trio pour piano violon et violoncelle en si bémol majeur opus 97 "à l’Archiduc" : presque aussi bon que le précédent, bien que mélodiquement un peu moins séduisant.




SCHUBERT Franz (1797-1828)


Un des géants de la musique romantique allemande, à qui l'on doit parmi les plus belles mélodies, les pièces les plus mélancoliques et les plus émouvantes. A la différence de Beethoven chez qui on sent toujours la puissance, on trouve chez Schubert une fragilité touchante.
- Trio pour piano, violon et violoncelle en mi bémol majeur opus 100 (D 929) : une merveille absolue rendue célèbre par l'utilisation de son magnifique deuxième mouvement dans le film de Stanley Kubrick, "Barry Lindon". Tout y est beau, sans faille, vivant, sensible, délicat tout en étant énergique et sans mièvrerie.
- Trio pour piano, violon et violoncelle en si bémol majeur opus 99 (D 898) : injustement éclipsé par l'opus 100, il est tout aussi beau, plein de charme, de vie, de fraîcheur.
- Quintette en la majeur D 667 « La Truite » (die Forelle) pour piano, violon, alto, violoncelle et contrebasse : il s'agit d'une œuvre sans tristesse, pleine de vie, de légèreté, de finesse et de joie de vivre. Un bijou qui donne envie de fredonner le thème du 4ème mouvement...
- Quintette à cordes en do majeur D 956 : une merveille composée deux mois avant la mort de Schubert, cette œuvre de 50 minutes contient notamment un deuxième mouvement, marqué adagio, parmi les plus touchants et emblématiques de la sensibilité du compositeur. C'est fin, délicat, sensible, fragile, même si les trois autres mouvements, sur des airs plus guillerets, sont beaucoup plus enlevés, dansants, nerveux.
- Notturno pour piano, violon et violoncelle en mi bémol majeur D 897 : un seul mouvement de 10 minutes, avec un bel air tendre et romantique.

Il a composé 15 quatuors à cordes, mais comme pour ses symphonies, seules ses dernières compositions sont vraiment intéressantes et atteignent parfois le rang de chef-d'œuvre :

- Quatuor n° 13 en la mineur D 804 "Rosamunde" : l'un des beaux quatuors de Schubert, moins connu que le quatorzième, mais pourtant émouvant dans le troisième mouvement, les autres étant plus légers.
- Quatuor à cordes n°14 en ré mineur D 810 "La jeune fille et la mort" (Der Tod und das Mädchen) : un grand classique, connu surtout pour son tragique deuxième mouvement, marqué andante con moto, mais qui vaut aussi pour les trois autres.
- Quatuor n°15 en sol majeur D 887 : comme la tonalité en majeur l'annonce, c'est une œuvre beaucoup moins tragique et moins profonde que la précédente, mais chantante, avec du charme.

Au piano, beaucoup de très belles œuvres, avec les mêmes qualités de sensibilité romantique, de délicatesse :

- Fantaisie en fa mineur pour piano à quatre mains opus 103 (D 940) : un bijou de sensibilité et d'émotion.
- Mélodie hongroise D 817,

- 6 Moments Musicaux op. 94 D 780,
- 4 Impromptus op. 90 D 899, (les 3 Impromptus D 946 sont à mon avis moins beaux)
- Sonate pour piano en sol majeur op. 78 D 894, douce, délicate, hésitante.
- Sonate pour piano en la majeur D 959 : après un premier mouvement d'un quart d'heure, élégant mais pas bouleversant, le deuxième donne à entendre un des plus beaux airs de Schubert, d'une très grande émotion. Les deux autres mouvements sont élégants, chantants, pleins de grâce et de vie. Un chef-d'œuvre.
- Sonate en si bémol majeur D 960, grande œuvre de 40 minutes, la dernière sonate composée par Schubert, profonde, ample, sombre et chantante à la fois, surtout les deux premiers mouvements, magnifiques.

Schubert est aussi un grand compositeur de lieder. Il en a composé plus de 600, et est l'une des grandes références dans ce registre, où s'expriment toute sa sensibilité romantique, sa délicatesse et l'âme allemande. Parmi les plus beaux :
- "Le Voyage d'hiver"
(Winterreise lieder) D 911 : cycle de 24 lieder souvent sombres, composé en 1827, qui s'achève par la mort, assimilée à l'hiver. Œuvre très émouvante, c'est sans doute le plus bel ensemble de lieder de Schubert, le plus triste et le plus profond. A peu près tout y est beau, sensible, dépouillé.
- "La chant du cygne"
(Schwanengesang) D 957 : recueil posthume regroupant 14 lieder sans lien, sans unité, où alternent légèreté, gravité, noirceur, gaieté, angoisse et sérénité... On y entend notamment un des beaux airs connus du compositeur, "Ständchen" (Sérénade). Pas ce qu'il y a de mieux, mais un joli groupement de lieder...
Je ne peux pas citer tous les beaux lieder de Schubert, mais voici les plus beaux de tous :
"Gretchen am Spinnrade" D 118, "An den Mond" D 296, "Heidenröslein" D 257, "Seligkeit" D 433, "Der Tod und das Mädchen" D 531, sur le même thème que le 14ème quatuor à cordes, "Ganymed" D 544, "An die Musik" D 547, sublime de douceur et de finesse, "Abendbilder" D 650, "Sei mir gegrüsst" D 741, "Auf dem Wasser zu singen" D 774, "Du bist die Ruh'" D 776, "Am Frühling" D 882, "Das Lied im Grünen" D 917, par ordre de catalogue, et non de préférence...
Pour ce type de répertoire, un interprète reste une référence toujours fiable, le baryton allemand Dietrich Fischer-Dieskau. Il a enregistré plusieurs versions qui ne doivent pas être difficiles à trouver...
Mais on peut aussi écouter des versions pour voix de femme soprano, ce qui est peut-être encore plus beau, à condition que ce soit une voix fraîche, légère, avec un bel aigu fin et tendre, comme celle d'Elly Ameling, par exemple...


Schubert a aussi composé 9 symphonies, dont ne sont vraiment à retenir que les 8ème et 9ème :
- Symphonie n°8 en si mineur D 759, dite "L'inachevée" : parmi les œuvres classiques les plus connues, elle n'a que deux mouvements, au lieu des quatre habituels, ce pourquoi on la pense inachevée... C'est une œuvre émouvante, ample et romantique, mais moins forte et moins profonde que les symphonies de Beethoven...
- Symphonie n°9 en Ut majeur D 944, dite "La grande" : de proportions plus importantes que la précédente, puisqu'elle a quatre mouvements (près d'une heure), les mêmes remarques peuvent s'y appliquer...





BERLIOZ Hector (1803-1869)

Compositeur français novateur en son temps, son œuvre la plus connue est la Symphonie fantastique, mais ça n'est pas d'elle que je veux parler. Il n'a pas composé de musique de chambre mais essentiellement des opéras, des œuvres symphoniques et chorales, dont certaines sont monumentales par les dimensions et les effectifs instrumentaux. C'est le cas de son plus grand chef-d'œuvre, La Grande Messe des morts opus 5, appelée aussi Requiem.
Jouée par plusieurs centaines de musiciens, c'est une œuvre gigantesque, sombre, puissante, profonde, ample, d'un grand souffle épique qui transporte l'auditeur pendant 1h30 et 10 mouvements. Ça ne ressemble à rien d'autre, et c'est à mon avis le plus beau requiem jamais composé...




MENDELSSOHN Felix (1809-1847)

Compositeur allemand célèbre, il pose à peu près le même problème qu'Haydn. En effet, si sa musique n'est jamais vulgaire, si elle s'écoute presque toujours avec agrément, quel que soit le genre abordé, il est pourtant bien difficile d'y trouver des chefs-d'œuvre.
Bizarrement, d'ailleurs, on trouve assez peu dans sa musique le romantisme de ses contemporains Schumann, Chopin, Liszt etc, mais des influences marquées par la période classique, et particulièrement celles d'Haydn et Mozart, auxquels il emprunte souvent de la joliesse plus que de la beauté, surtout dans ses œuvres de jeunesse, bien sûr, mais il est mort à 38 ans... Quoi qu'il en soit, il faut fouiller beaucoup dans ses œuvres pour y dégoter les pages les plus inspirées, et je ne peux guère citer que des morceaux d'œuvres, des mouvements réussis, plus que des œuvres entières. On trouve cependant au moins un chef-d'œuvre, de valeur égale d'un bout à l'autre :
- Trio pour piano, violon et violoncelle n°1 en ré mineur opus 49 : joli, agréable, équilibré, de belle qualité mélodique, parmi ce qu'il a fait de plus émouvant, avec un premier mouvement fougueux, au romantisme exacerbé, un deuxième tendre, délicat, sensible, un troisième léger, enjoué, puis un quatrième à nouveau enlevé, alerte, fougueux... Une œuvre homogène et réussie. On peut aussi évoquer le trio n°2 en do mineur opus 66, nettement moins marquant que le premier, sans mélodie séduisante, mais agréable, ample, et d'une certaine douceur.
Pour le reste de sa musique de chambre, je ne cite que des mouvements isolés :
- le 2ème mouvement du quatuor à cordes en mi bémol majeur opus 12, avec un joli thème charmant, léger et entraînant.
- le 3ème mouvement, intermezzo, du quatuor en la majeur opus 13, un petit air charmant.
- le 2ème mouvement
, allegro assaï, du quatuor à cordes en fa mineur opus 80, tendu, romantique, tragique, et aussi le 3ème, sans thème remarquable, mais d'assez belles lenteur et ampleur.
- le 2ème mouvement de la sonate pour clarinette et piano en mi bémol majeur (de 1824), avec un joli thème tendre.
On peut aussi écouter avec plaisir des œuvres qui, sans être de grande beauté mélodique, sont agréables, comme les deux sonates pour violon et piano, toutes deux en fa majeur, l'une de 1820, et l'autre de 1838, celle en fa mineur opus 4, l'octuor pour cordes en mi bémol majeur opus 20, dans tous les cas une musique vivante, allègre, sans génie mélodique, mais charmante. Est un peu plus romantique, plus puissante, plus profonde la sonate pour alto et piano en do mineur de 1823-24.

Dans sa musique pour piano, on retiendra surtout ses Romances sans paroles ("Lieder ohne Worte"), 8 ensembles de 6 pièces délicates, agréables, formant un tout homogène, sans déchet, de bonne tenue, dont les plus jolies pièces sont :
Opus 19 : n°1, 2, 3, avec un beau thème romantique, et 6, triste, douloureuse, vraiment belle. Opus 30 : n°6, d'une certaine tristesse. Opus 38 : n°6, ample et légère. Opus 53 : n°1, 2, 4, toutes trois gentiment romantiques. Opus 62 : n°5, 6, air connu, espiègle, gracieux. Opus 67 : n°2, jolie, 4,
la plus connue, comme un tourbillonnement d'abeille, et 5, mélancolique. Opus 85 : n°4, délicatement romantique, 6, air gentil et léger. Opus 102 : n°1, avec un air émouvant, 4, délicatement romantique... Cela dit, l'ensemble tient sur 2 CD seulement...

Dans sa musique pour orchestre, son "Songe d'une nuit d'été" est très connu, mais, pour ma part, je ne le conseille pas. Connu aussi est son Concerto pour violon et orchestre en mi mineur opus 64, sans doute pour la mélodie un peu racoleuse de son premier mouvement, mais c'est une œuvre efficace, bien qu'assez pesante, pas très subtile et un peu bavarde, mais somme toute agréable, avec, dans le troisième mouvement, un petit air guilleret sympathique.
Pour ma part, je préfère des pièces plus légères, là encore sans génie, mais d'agrément, comme :
- Concerto pour violon et cordes en ré mineur (pas d'opus) : comportant quelques jolies lignes mélodiques, proche de Mozart et Haydn, gracieux...
- Concerto pour piano et orchestre en la mineur (pas d'opus) : là encore plus proche de Mozart que de Beethoven, léger, assez joli, d'une certaine élégance à défaut de profondeur, surtout les deux premiers mouvements.
- Concerto pour piano et orchestre n°1 en sol mineur opus 25 : un agréable deuxième mouvement, là encore sans thème marquant, sans profondeur, mais tendre...

Pour ses œuvres symphoniques, je trouve que Mendelssohn n'a pas su éviter les lourdeurs, les pesanteurs et, bien qu'elles soient parmi ses œuvres les plus prisées, l'absence de génie mélodique s'y sent fortement. Par contre, j'aurais tendance à conseiller des œuvres moins réputées comme ses 12 symphonies pour cordes, œuvres de jeunesse qui n'ont rien de génial ni de romantique, ressemblant à du Mozart, mais s'entendent agréablement dans la continuité...





CHOPIN Frédéric (1810-1849)

Compositeur à l'image romantique par excellence (vie brève, mort de tuberculose, amour avec George Sand), polonais d'origine mais français à partir de 1831, sa musique est destinée essentiellement au piano, dont il est un virtuose. Rares sont les fautes de goût dans ses œuvres, et beaucoup d'entre elles sont belles et empreintes de sensibilité romantique. C'est une musique du sentiment, des états d'âme et souvent de la mélancolie, qui se caractérise par un grand sens de la mélodie. Voici les plus appréciées, pour piano seul :
- 12 Études opus 10 et 12 Études opus 25 : deux séries de 12 miniatures durant en moyenne 2 minutes chacune (de 1 à 6 minutes), aux couleurs très variées, allant du champêtre au tragique, du sombre au lumineux, du calme et joyeux au vertige désespéré. Parmi les pièces les plus réputées de Chopin, à juste titre.
- 24 préludes opus 28 : autre série de miniatures dont l'exécution ne dépasse pas 40 minutes, moins de deux minutes en moyenne par pièce (de 30 secondes à 6 minutes), du dépouillement au virtuose, avec la même qualité que les études (particulièrement les n°2, 4, 6, 7, 13, 15, 17, 20, 24).
- 21 nocturnes : non pas une série, mais des œuvres séparées (opus 9/1, 2, 3 ;
opus 15/1, 2, 3 ; opus 27/1, 2 ; opus 32/1, 2 ; opus 37/1, 2 ; opus 48/1, 2 ; opus 55/1, 2 ; opus 62/1, 2 ; opus 72/1, plus deux posthumes, en do dièse mineur et en do mineur), qui, comme leur nom le suggère, sont des pièces plutôt sombres, mélancoliques, très belles, toutes sans exception, très sensibles et touchantes. Peut-être ce que Chopin a fait de plus émouvant.
- Fantaisie-impromptu en do dièse mineur opus 66
- Berceuse en ré bémol majeur opus 57
: 5 minutes de délicatesse, de finesse, de tendresse, de douceur. Un bijou.

Parmi les 4 ballades qu'il a composées, on peut souligner la première, en sol mineur opus 23, et la quatrième, en fa mineur opus 5.
Parmi les 4 scherzos, on peut retenir particulièrement ceux en si mineur opus 20, et en si bémol mineur opus 31, pleins de fougue, de virtuosité, de vigueur.

Il a aussi composé 19 valses, souvent des pièces plus légères, parfois gaies, pas toutes passionnantes, dont les plus belles sont sans doute celles en la bémol opus 34/2, en do dièse mineur opus 64/2, en la bémol majeur opus 69/1, en fa mineur opus 69/2,
en la bémol majeur opus 70/2, et en la mineur sans numéro d'opus...

Chopin a composé 3 sonates, dont les deux dernières sont belles et puissantes :
- Sonate pour piano n°2 en si bémol mineur opus 35 : c'est dans cette sonate très sombre que l'on trouve la célèbre marche funèbre bien nommée, dans le troisième mouvement, dont le passage central est délicat et tendre. Le reste de la sonate est puissant, vigoureux, fougueux.
- Sonate pour piano n°3 en si mineur op. 58 : plus puissante que la précédente, elle vaut aussi particulièrement par son troisième mouvement, largo très inspiré.

Il est aussi célèbre pour ses Polonaises (la Polonaise "héroïque" notamment), 17 au total, pièces vigoureuses, martiales, virtuoses,
spectaculaires, plutôt extraverties, et pas les plus intéressantes ni les plus émouvantes de Chopin. Si on aime ce genre, les plus belles sont sans doute celles en mi bémol mineur opus 26 n°2, en do mineur opus 40 n°2, en fa dièse mineur opus 44, et en la bémol majeur opus 53 (la fameuse "héroïque")...

Les concertos pour piano n°1 en mi mineur opus 11 et n°2 en fa mineur opus 21 sont romantiques, d'un sentimentalisme facile, plutôt extraverti, et donc pas très profonds, mais ils sont émouvants, agréables, le premier étant le plus joli, le plus fin et le plus léger.





SCHUMANN Robert (1810-1856)

Compositeur allemand romantique auteur de quelques chefs-d'œuvre exceptionnels de la musique de chambre :
- Quintette avec piano en mi bémol majeur op. 44 : une merveille d'énergie, de vie, de variété, une réussite totale.
- Quatuor avec piano en mi bémol majeur op. 47 : tout aussi beau, bien que moins énergique, et plus émouvant.
- Quatuor à cordes en la majeur op. 41 n°3 : avec notamment dans le deuxième mouvement une très belle valse.
- Fantasiestücke pour clarinette et piano op. 73 : assez proche comme ambiance des sonates op. 120 de Brahms.

Je ne sais pas quoi en dire de plus, mais que cette brièveté des commentaires ne vous trompe pas : il s'agit là de très grands chefs-d'œuvres...

Comme tous les romantiques, il a beaucoup composé pour piano, mais la personnalité de Schumann est plus âpre, plus difficile d'accès, moins séduisante que celles de Chopin ou Liszt, pour citer des musiciens de la même génération. Parmi ces œuvres, on peut écouter avec plaisir le "Carnaval" opus 9, les Etudes symphoniques opus 13, les Variations abbeg opus 1, la Fantaisie opus 17, mais les œuvres les plus attachantes sont sans doute :
- "Scènes d'enfant" (Kinderszenen) opus 15 : un ensemble de 13 pièces variées, colorées, jolies, avec un caractère enfantin, comme le titre l'indique, faciles d'accès.
- "Kreisleriana" opus 16 : suite de 8 pièces pour piano au ton varié, atypique, tantôt fougueuses, tantôt tendres ou fantasques, constituant un ensemble original (1 demi-heure), plein de charme romantique.
- "Arabesque" en do opus 18 : 6 minutes d'une musique charmante.


Schumann maîtrisait moins bien les compositions pour orchestre, mais on trouve dans ses œuvres l'un des plus beaux concertos pour piano du XIXème siècle :
- Concerto pour piano en la mineur Op. 54 : un flot d'émotions romantiques, avec l'ample thème du premier mouvement, un chant d'amour vigoureux dans un style déclamatoire (mais tellement moins lourd que les concertos pour piano de Brahms, par exemple)... Un chef-d'œuvre du genre.





LISZT Franz (1811-1886)

Musicien hongrois, mais cosmopolite, il fut un des plus grands pianistes de son époque, et sa virtuosité lui a valu une renommée sur tout le continent. Outre sa technique exceptionnelle, sa nature généreuse, sa prestance auprès des femmes et sa vie tumultueuse, qu'il finit en endossant l'habit de prêtre, en ont fait une légende romantique. C'est aussi un compositeur aux facettes variées, car, à côté de pièces de concert spectaculaires mais souvent creuses, boursoufflées, lourdement romantiques, et des pièces pour piano où prime une virtuosité grandiloquente, il a aussi écrit des pages très neuves et inspirées, où il rompt avec les habitudes tonales de l'époque et annonce les innovations des compositeurs à venir...
On lui doit quelques chefs-d'œuvre pour piano seul :
- Sonate en si mineur : suite de 3 mouvements qui s'étalent sur une demi-heure, c'est une œuvre maîtresse d'une puissance exceptionnelle, d'une ardeur et d'un souffle romantiques exemplaires. Une musique géniale qui vous emporte dans son flot lyrique aux accents nostalgiques profonds, de l'obscur à la lumière, puis à l'obscur encore. Un monument incontournable.
-
"Après une lecture du Dante,
fantasia quasi-sonata" : œuvre deux fois moins longue, spectaculaire, plus héroïque mais sombre, elle vous entraîne dans un voyage vertigineux.

A la fin de sa vie, il abandonne la virtuosité, invente un nouveau style et compose quelques pièces épurées, à l'atmosphère étrange, petits bijoux uniques, dont voici les plus beaux :
- Lugubres gondoles 1 et 2 : deux courtes pièces en effet lugubres, dépouillées et sublimement tristes (5 et 8 minutes).
- Funérailles : devinez l'atmosphère de cette pièce...
- Richard Wagner - Venezia : autre courte pièce obstinément lugubre.
- Nuages gris : même sinistre dépouillement pour 4 minutes de finesse.
- Bagatelle sans tonalité : plus atypique encore, c'est une piécette de 3 minutes étrange mais pleine de charme.

On doit aussi à Liszt d'excellentes transcriptions pour piano des 9 symphonies de Beethoven, les transformant en énormes sonates magnifiques, ce qui n'est pas le moindre de ses mérites...



FRANCK César (1822-1890)

Compositeur français surtout connu pour avoir été un grand organiste et professeur de musique, il compte en musique de chambre deux chefs-d'œuvres incontestés :
- Quintette pour piano et cordes en fa mineur
- Sonate pour piano et violon en la majeur
Deux œuvres particulièrement tendues, au romantisme ardent, passionné, lyrique, de grandes puissance et intensité dramatique. Magnifiques.




BRAHMS Johannes (1833-1897)

Autre grand compositeur allemand, dont les chefs-d'œuvres sont sans doute dans sa musique de chambre...
- Sonate pour piano et violoncelle en mi mineur opus 38 : la plus belle des deux sonates pour cette formation, qui met en valeur l'onctuosité du violoncelle. La sonate n°2 (en fa majeur opus 99) ne vaut guère que pour son deuxième mouvement au joli thème tendre et doux.
- 2 Sonates pour piano et clarinette opus 120 : musique nostalgique, douce et intime, merveilleusement au service des sonorités chaudes de la clarinette. Les deux chefs-d'œuvre du genre, tout simplement.
- Quintette pour piano et cordes en fa mineur opus 34 : l'un des chefs-d'œuvre les plus connus de Brahms, vivant, romantique, contrasté...
- Trio avec piano en si majeur opus 8 : un bijou romantique, lyrique, dont les 4 mouvements sont habités par de beaux thèmes mélodiques, entre le tendre, le vif, le joyeux, le grave, l'émouvant etc... Une très belle œuvre.

On peut aussi signaler le sextuor n°1 en si bémol majeur opus 18 pour son deuxième mouvement, dont le thème très romantique, d'ailleurs connu, est intense, tragique et beau. Le reste du sextuor est bavard et pas passionnant.

Sa musique pour orchestre est souvent lourde, démonstrative, et n'est pas exempte de vulgarités, mais elle compte quelques belles œuvres :
- Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op 77 : plus beau que celui de Beethoven, c'est une pièce maîtresse, pleine de fougue, de vigueur, enthousiaste, avec deux mouvements vifs extravertis qui encadrent un très touchant mouvement lent et un thème principal très chantant qui s'imprime dans l'esprit... Sans doute le plus beau concerto pour violon du XIXème siècle.
- Concerto pour piano n°2 en si bémol majeur opus 83: s'il a des défauts, comme une certaine lourdeur déjà évoquée, notamment dans le premier mouvement, il a néanmoins des beautés qui le rendent préférable au premier concerto pour piano (en ré mineur opus 15, agréable et malgré tout recommandable, mais moins bon). En effet, son deuxième mouvement, dont le lyrisme et la fougue sont assez épais, a un beau thème mélodique justement célèbre, comme celui du troisième mouvement, tandis que le quatrième et dernier mouvement donne à entendre quelques thèmes légers, allants, assez agréables.

Dans sa musique pour piano seul, on peut citer les pièces suivantes :

- Variations en fa dièse mineur sur un thème de Robert Schumann op.9
- 4 ballades op.10
- Variations en ré majeur sur un thème original op.21 n°1
- 16 valses op.39
- Pièces pour piano (klavierstücke) op.76
- Rhapsodie en sol mineur op.79 n°2
- Fantaisies op.116, surtout les n°2 (intermezzo en la mineur), n°4 (intermezzo en mi majeur), n°6 (intermezzo en mi majeur) et n°7 (capriccio en ré mineur)
- Intermezzi op.117, 118 et 119
Il s'agit pour la plupart d'ensembles de courtes pièces souvent délicates, sans esbroufe, souvent tendres, parfois pas profondes, légères, où il n'y a pas d'air qui retienne spécialement l'attention, mais une atmosphère romantique, une certaine mélancolie, et qu'il faut écouter plusieurs fois avant d'en saisir les finesses.




DVORAK Anton (1841-1904)

Compositeur tchèque connu essentiellement pour sa 9ème symphonie, dite "du nouveau monde", très facile d'accès et très appréciée du public non averti (j'ai commencé par là, comme beaucoup), il en a tiré une réputation peu justifiée, sa musique, souvent empreinte d'un sentimentalisme un peu vulgaire, ne comportant guère de chef-d'œuvre... Mais on y trouve des pages agréables et mélodieuses, d'un romantisme mesuré, notamment dans sa musique de chambre, qu'il s'agisse de ses 4 trios avec piano, de ses 2 quatuors avec piano, ou encore de ses 2 quintettes avec piano, dont un quasi chef-d'œuvre : Quintette pour piano et cordes n°2, en la majeur op. 81, dont le premier mouvement fougueux, romantique, est suivi d'un deuxième sensible, tendre, délicat et vraiment beau. Le troisième est quant à lui allègre, chantant, vivant, léger et joyeux (le quatrième est moins remarquable).



FAURÉ Gabriel (1844-1925)

Compositeur français, il a produit une musique intime, sentimentale, souvent nostalgique. En raison de cette sensibilité romantique, il composa essentiellement pour piano, formations de chambre ou voix soliste accompagnée au piano (on appelle ça une "mélodie", équivalent typiquement français du "lied" allemand). Sa musique comprend quelques chefs-d'œuvre qui plongent l'auditeur dans une ambiance "Belle Epoque", de salon bourgeois, proche de ce qu'on trouve chez Proust en littérature :
- Quatuor pour piano et cordes n°1 en ut mineur op. 15, tout y est beau, homogène, romantique, émouvant... Un premier et un dernier mouvements ardents, vifs, lyriques, un deuxième plus léger, sautillant, et un troisième lent, fiévreux, avec une certaine intensité dramatique.
- Quintette pour piano et cordes n°2 en ré mineur op. 115, avec à peu près les mêmes caractéristiques : premier et quatrième mouvements animés par de beaux thèmes mélodiques, plein de raffinement et d'élégance, le premier plus lent que le dernier, moins fougueux ; un troisième mouvement lent, doux, joli. Seul le deuxième mouvement, rapide et vif, ne présente guère d'intérêt.
- Sonate pour violon et piano n°1 en la majeur op. 13, pas un chef d'œuvre, mais 4 mouvements avec de jolies mélodies, pas profondes mais agréables.


Dans ses œuvres pour piano, il y a quelques belles pages, mais la séduction mélodique, plutôt rare, est rarement immédiate...
Parmi les 13 Barcarolles, musique fluide évoquant des promenades sur l'eau, fine et pas très facile d'accès, car peu ont des lignes mélodiques vraiment prenantes, les plus émouvantes sont les n°1 en la mineur opus 26, n°8 en ré bémol majeur opus 96, n°9 en la mineur opus 101, d'une sombre mélancolie, n°10 en la mineur opus 104, n°12 en mi bémol majeur opus 106bis.
Ses 13 Nocturnes sont eux aussi des pièces énigmatiques, dont le charme discret ne se donne pas à la première écoute, car on y trouve encore moins de lignes mélodiques séduisantes, et elles valent surtout par leur atmosphère unique, sombre et ardente à la fois, et d'une certaine froideur. Les plus accessibles sont les n°4 en mi bémol opus 36, magnifique mélange de passion romantqiue, de raffinement et de beauté mélodique, n°10 en si mineur opus 99, n°13 en si mineur opus 119...
Plus faciles d'accès sont ses trois Romances sans parole opus 17, adorables petites pièces aux jolies mélodies, petits bijoux de nostalgie, dont l'ensemble ne dure guère plus de 5 minutes.

Un peu dans le même esprit, et parmi ses plus belles pages, il y a "Dolly" opus 56, ensemble de 6 courtes pièces pour piano à 4 mains, charmantes, surtout Berceuse, Le jardin de Dolly, Kitty-valse...

Enfin, ses Préludes opus 103 sont une suite de 9 pièces variées, plus accessibles que les Nocturnes, alternant douceur mélancolique, exaltation romantique et charme bourgeois. Les plus jolis sont les 4 premiers (n°1 en ré bémol, n°2 en do dièse mineur, n°3 en sol mineur et n°4 en fa).



CHAUSSON Ernest (1855-1899)

Compositeur français mort prématurément dans un accident de vélo, il est l'auteur d'un magnifique Concert en ré majeur pour piano, violon et quatuor à cordes opus 2, d'une grande intensité romantique, qu'on peut même trouver excessive. Le troisième mouvement est un des plus lugubres, des plus tristes qu'on puisse entendre, et tant pis si on peut juger ça trop appuyé et complaisant. Un chef-d'œuvre et un compositeur méconnus...



MAHLER Gustav (1860-1911)

Compositeur autrichien à classer plutôt dans le XIXème siècle, tant sa musique y est encore attachée, il est connu essentiellement pour ses symphonies et ses lieder. Il faut préciser que les couleurs instrumentales de Mahler sont souvent très vives, avec de gros effectifs, et notamment beaucoup de cuivres, ce qui a des effets tonitruants, parfois (très) lourds, et que son romantisme est extraverti. Cela ne plaît pas à tout le monde, car on n'est parfois pas loin des fanfares militaires qui ont d'ailleurs marqué l'enfance du compositeur, et d'un pathos très appuyé. Mahler ne sait pas élaguer, aller au plus court, alléger, mais la dimension de certains passages tragiques n'a pas d'équivalent chez d'autres compositeurs, tant ils sont tendus. Mieux vaut le savoir avant d'aborder cette musique. Parmi les œuvres monumentales que sont ses symphonies, les meilleures sont :
- Symphonie n°2 en ut mineur "Résurrection" (avec soprano, contralto et chœurs) : à peu près 1h15, en 5 mouvements, elle vous emmène dans des paysages variés, très contrastés, commençant par une entrée parfaitement lugubre et menaçante pour, à la fin de la symphonie, arriver à une apothéose grandiose où se mêlent orchestre, chœurs, solistes et même grand orgue... Un final magnifique qui vous transporte... Mais il ne faut pas nier que certains passages intermédiaires ont des lourdeurs...
- Symphonie n°3 en ré mineur (avec contralto et chœur d'enfants) : autre pièce monumentale de plus d'1h30 et 6 mouvements ! Là encore, certains passages sont un peu indigestes (la demi-heure du premier mouvement, malgré sa force lugubre et sa beauté, en contient quelques-uns), mais, outre le deuxième, gracieux, le troisième, très vivant, varié et assez mélodieux, c'est dans les quatrième et sixième mouvements qu'on atteint le sublime : le quatrième, qui est indiqué "très lent-misterioso", est d'une retenue qui rend la musique
profonde, grave et calme, d'une douceur presque inaudible. La voix de contralto (la voix la plus grave chez les femmes) émerge du flot doux et profond de l'orchestre pour chanter un poème de Nietzsche... Un des plus beaux morceaux de Mahler, magnifiquement utilisé par Visconti dans "Mort à Venise". Quant au dernier mouvement (le sixième), de plus de 20 minutes, marqué "lentement, silencieux, avec sentiment", c'est une lente montée en puissance, avec quelques accès de tension tragique sur un thème très romantique, jusqu'à un final grandiose, avec timbales et orchestre donnant la pleine mesure de sa force. C'est somptueux.
- Symphonie n°4 en sol majeur : les deux premiers mouvements sont assez jolis et légers, plus fins que la moyenne, mais c'est le troisième qui est le clou de cette œuvre, magnifique adagio qui compte parmi les plus belles pages de Mahler. Le quatrième est un lied frais et charmant qui clôt la symphonie de façon inattendue, sans final orchestral.
- Symphonie n°5 en ut dièse mineur (70 minutes) : elle est justement célèbre pour son adagietto qui a été magnifiquement utilisé, lui aussi, dans le très beau film de Visconti "Mort à Venise" (après l'avoir vu, vous ne pourrez plus entendre les premières mesures de l'adagietto sans voir la lagune de Venise), et qui est une lente et déchirante montée de cordes au comble du romantisme. Ce quatrième mouvement est un pur chef d'œuvre, mais le reste de la symphonie est aussi très beau. Premier mouvement d'une grande noirceur tragique, deuxième mouvement qui continue dans la même lignée, troisième mouvement beaucoup plus joyeux, varié, contrasté, et le cinquième et dernier, peut-être le moins séduisant, patchwork reprenant des thèmes des autres mouvements...
- Symphonie n°9 en ré majeur (80 minutes) : dernière symphonie achevée de Mahler, son premier mouvement dure près d'une demi-heure ! Il y a quelques longueurs et des lourdeurs (toujours ces cuivres tonitruants et les dissonances qu'aimait le compositeur), mais le thème initial est beau, et il comporte de nombreux passages émouvants très réussis. C'est après le deuxième mouvement (enjoué, très germanique, sur un tempo de valse lente) et le troisième (un peu dans le même esprit), tous les deux pas très intéressants, que le sublime arrive : le quatrième et dernier mouvement, marqué adagio, est dominé par les cordes, et les violons n'en finissent plus de mourir après bien des tourments, en une agonie de plus de 20 minutes (!) qui se termine dans un souffle à peine perceptible. Morceau au-delà du tragique qui atteint le comble du romantisme. On n'est pas allé plus loin dans le genre... Âmes sensibles, ça devrait vous combler... C'est franchement complaisant dans la douleur, mais c'est tellement bon...

La Symphonie n°1 en ré majeur appelée "Titan" est aussi à conseiller, bien que de moindre envergure, ainsi que
le premier mouvement de la Symphonie n°10 en fa dièse majeur (inachevée), le seul que Mahler ait eu le temps de terminer (proche du style de la 9ème mais en plus lourd). Mais je ne vous conseille pas les autres (6, 7, 8) qui sont particulièrement indigestes, sans belles mélodies, verbeuses et manquant de profondeur. La 8ème, appelée "symphonie des mille", et qui requiert en effet plus de 1000 instrumentistes et chanteurs, est aussi boursouflée que du Wagner, et on peut même trouver le "Veni creator" qui ouvre la première partie particulièrement lourd, informe et indigeste... Franchement déconseillé, c'est proprement insupportable, et laisse à penser que moins on n'a de choses à dire, plus il faut le gueuler...

- Kindertotenlieder ("Chants pour les enfants morts") : c'est un ensemble de 5 chants sur ce thème, à la fois lumineux et sombres. Et là, il y a une interprète obligée, car elle a chanté cette œuvre comme personne, avec une émotion unique : Kathleen Ferrier (morte d'un cancer en 1953 à l'âge de 41 ans), dont la vie est elle-même émouvante, car, découverte tardivement, elle a eu une trop courte carrière. Mais sa voix chaude, caractérisée par un vibrato qui tire les larmes, n'a jamais été égalée par quiconque, et l'écouter dans cette œuvre est une expérience qui marque définitivement ceux dont la sensibilité entre en résonance avec ce timbre profondément humain et maternel... Alors, l'enregistrement de référence est ancien, mono, mais de qualité :
Mahler : Kindertotenlieder, Kathleen Ferrier
(contralto), Orchestre philharmonique de Vienne dirigé par Bruno Walter, EMI
- Das Lied von der Erde ("le chant de la terre") : inspirée de poèmes chinois, cette œuvre symphonique fait alterner des chants pour ténor et contralto. Les parties pour ténor sont gaies, enjouées, mais pas les plus passionnantes... En revanche, les parties pour voix de femme sont sublimes, et le dernier mouvement, intitulé "Der Abschied" (l'adieu), où l'instrumentation est plus dépouillée et évoque des sonorités asiatiques, a une intensité tragique très touchante (spécialité du compositeur). Et là aussi, Kathleen Ferrier arrive au comble de l'émotion, tout au long de ce dernier chant du cycle (durant à lui seul 25 minutes), qui s'achève dans la douceur du mot "ewig" (éternel) répété jusqu'au silence. Un des quelques disques à emporter sur une île déserte.
Mahler : le Chant de la terre,
Kathleen Ferrier (contralto), Julius Patzak (ténor), Orchestre philharmonique de Vienne dirigé par Bruno Walter, Decca
- Rückert lieder : c'est un ensemble de 5 chants pour orchestre et contralto sur des textes de Friedrich Rückert, qui, sans avoir la tristesse des œuvres précédemment citées, sont néanmoins très beaux, surtout Ich atmet' einen linden Duft, Um Mitternacht et Ich bin der Welt abhanden gekommen, tous trois profonds, doux et mélancoliques... Et, là encore, il y a Kathleen Ferrier, et les autres... On trouve ces trois lieder en complément du "Chant de la terre" sur le disque cité...





HAUT  DE  LA  PAGE

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XXème




DEBUSSY Claude (1862-1918)

Compositeur français que l'on classe dans le XXème siècle, tant sa musique est moderne et rompt avec celle du XIXème siècle, son style original et libre qu'on a dit "impressionniste" (en raison d'un certain "flou" sonore, comme par touches colorées, et un recours plus grand aux sensations sonores de l'auditeur) suppose une écoute attentive, une certaine maturité pour en goûter les nuances, car ça n'est pas facile d'accès, en raison d'un aspect apparemment informe. C'est raffiné, pas évident à la première écoute mais délicat, élégant et parfois très beau... Il a surtout écrit pour piano, et on trouve dans ce domaine des joyaux rares :
- Images I et II : deux séries de trois pièces variées et inégales, avec des noms évocateurs, dont les plus belles sont Reflets dans l'eau, Hommage à Rameau, Cloches à travers les feuilles, Et la lune descend sur le temple qui fut... Si vous savez aimer la pluie sur les carreaux et l'automne, vous aimerez sans doute cette musique...
- Préludes, Livres I et II : un ensemble de deux fois 12 pièces, soit 24 miniatures variées, dotées aussi de titres descriptifs et de ce même caractère élégant, raffiné, complexe, mais aussi froid, sombre, lent, le tout baignant dans une atmosphère de dépouillement assez inconfortable. Les plus beaux sont sans doute Des pas sur la neige, Voiles, Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir, La cathédrale engloutie, pour le livre I, et Brouillards, Bruyères, La terrasse des audiences du soir de lune, Ondine et Canope, pour le Livre II...
- Suite bergamasque : à mon sens la plus belle œuvre de Debussy, dont les 4 mouvements ont une grâce particulière, surtout les deux derniers, Clair de Lune et Passepied, qui sont un ravissement...
- Arabesque n°1 : de même inspiration, l'une de ses plus belles pièces, fine, délicate, exquise...

Debussy a peu composé de musique de chambre, et je recommande particulièrement son unique et magnifique
Quatuor à cordes en sol mineur opus 10, majestueux, suave, coloré, mais aussi fiévreux (premier mouvement), un flot plein de vie, avec notamment un beau troisième mouvement lent et triste.


Dans sa musique pour orchestre, une très jolie œuvre est plus accessible que les autres : Danses sacrée et profane, pour harpe et orchestre, une pièce de 10 minutes, simple, fine et délicate, avec une jolie mélodie.




SATIE Erik (1866-1925)

Musicien français, qui n'est pas ce qu'on appelle un grand compositeur, car il n'a pas produit de grandes œuvres, et, ayant commencé la musique assez tard, il n'avait pas un niveau technique remarquable, ce qui lui a valu longtemps le mépris des musiciens. Son œuvre est presque entièrement pour piano, et ce sont surtout des pièces assez courtes à l'ambiance originale, entre le dépouillement, l'enfantin, l'humour et le fantasque, comme l'annoncent ses titres provocateurs ("Préludes flasques pour un chien", par exemple). On lui doit néanmoins des perles souvent imitées mais jamais égalées, 
qui sont un bon moyen d'entrer dans la musique classique, pièces simples mais à la force émotive unique : les 3 Gymnopédies et les 6 Gnossiennes pour piano. Il n'y a peut-être aucune musique plus nostalgique que ces pièces de quelques minutes à peine... Parmi les plus agréables de ses autres pièces pour piano, on peut citer les "3 morceaux en forme de poire" (composés en réalité de 7 petites pièces entre la mélancolie et le cabaret), les 5 Nocturnes (3 + 2), d'une grâce délicate, Pièces froides (trois airs à faire fuir et Danses de travers), ou encore de toutes petites pièces destinées aux enfants, simplissimes mais au charme unique, comme les "Menus propos enfantins" et "Enfantillages pittoresques"...

Parmi ses rares compositions pour orchestre, deux se détachent par leur originalité :
- "Parade" : musique de ballet d'un quart d'heure, qui fit scandale lors de sa création en 1917 par
les Ballets Russes, elle mélange simplicité mélodique, cordes classiques et un grotesque très sage, notamment par le thème principal et récurrent, qui ressemble à l'avancée d'une locomotive à vapeur, l'ajout de bruits divers comme ceux d'une machine à écrire, d'une sirène, de coups de pistolet etc... Le résultat est charmant, d'un esprit unique, sans être génial, et très attachant pour qui est sensible à cet esprit potache et tendre à la fois.
- "Socrate" : c'est une suite de trois pièces pour 4 voix de femmes et petit orchestre, racontant des épisodes de la vie du philosophe, sur des extraits
des dialogues célèbres de Platon : le "Banquet", pour la première, "Phèdre" pour la deuxième, et "Phédon" pour la dernière. Ce dernier épisode, intitulé "La mort de Socrate", est de loin le plus réussi, suivant les derniers moments du philosophe pendant près de 20 minutes de douceur, d'émotion délicate, de douleur très discrète, voire absente, Satie ayant voulu faire une musique la moins pathétique, la plus "blanche" possible. Il a fait une version pour piano de cette partition, souvent chantée par un ténor, qui ne produit donc pas le même effet, mais les deux versions de cette musique de gourmet sont recommandables.




IVES Charles (1874-1954)

Compositeur américain atypique, dont la musique oscille entre des airs guillerets d'inspiration folklorique et pas passionnante, et des pièces symphoniques très sérieuses (pas passionnantes non plus), aux couleurs étranges, moderne avant tout le monde, cultivant des dissonances qui ont beaucoup choqué à l'époque, il est surtout l'auteur d'une courte pièce pour orchestre sublime, The unanswered question (la question sans réponse), profonde, mélancolique, presque inquiétante, où des accès de cuivres et vents intempestifs troublent le presque silence des nappes de cordes diaphanes, douces et belles qui planent sur un paysage de désolation, comme un champ de ruines après la bataille. 7 minutes d'une rare intensité... Aucune autre de ses musiques ne suscite le même intérêt...



RAVEL Maurice (1875-1937)

Compositeur français qui a montré un souci de précision extrême dans sa musique, il a fait quelques chefs-d'œuvre, comme le très célèbre "Boléro" que tout le monde connaît, pièce fascinante et toujours efficace. Mais il en a fait de plus beaux :
- Concerto pour piano et orchestre en sol : entre les deux mouvements rapides qui débutent et terminent de façon tonitruante ce concerto
en une course énergique, et dans lesquels résonnent des timbres empruntant au jazz, il y a le sublime mouvement lent, plein de nostalgie et de mélancolie, l'une des plus belles musiques qui puissent s'entendre. Très émouvante, elle fait penser au Erik Satie des gymnopédies... Un chef-d'œuvre absolu.
- Concerto pour piano pour la main gauche en ré majeur : comme son nom l'indique, et comme son écoute semble le contredire, ce concerto en un seul mouvement se joue en effet avec la seule main gauche, car il est une commande d'un pianiste amputé de la main droite (Paul Wittgenstein, frère de Ludwig, le philosophe). Moins facile d'accès que le précédent, ce concerto est une des musiques les plus sombres de Ravel, et sa virtuosité fait complètement oublier l'absence de la deuxième main, le hissant au rang des joyaux du répertoire.

Ravel n'a pas beaucoup composé pour formations de chambre, mais on y trouve une œuvre remarquable :
Quatuor à cordes en fa majeur : son unique quatuor, c'est un bijou parfait où tout est vivant, habité, fin, subtil, plein de couleurs et contrasté. Une excellente façon de découvrir le genre du quatuor à cordes.

Il a aussi composé pour piano, et parmi ses plus belles œuvres il y a :
- "Pavane pour une infante défunte" : brève pièce sans doute trop connue mais toujours aussi émouvante. Un bijou.
- "Gaspard de la nuit" : univers moins facile mais tout aussi beau, c'est une œuvre en trois parties (Ondine, Le gibet, Scarbo), de grandes délicatesse et finesse, pleine de nuances, sombre, lancinante, surtout le deuxième mouvement, où l'on entend comme une cloche lugubre accompagnant le balancement d'un pendu au vent... Triste et magnifique.
- "Valses nobles et sentimentales" : pièces agréables, délicates, très "début de siècle" (le XXème, bien sûr), avec quelques hardiesses harmoniques.
- "Jeux d'eau" : mêmes qualités.
- "Miroirs" : surtout les pièces 2 ("Oiseaux tristes"), 3 ("Une barque sur l'océan") et 5 ("La vallée des cloches"), là encore une musique très fine, délicate...

La Sonatine (3 mouvements) et "le Tombeau de Couperin" (6 mouvements) sont aussi des musiques charmantes. 

Comme beaucoup de compositeurs de cette époque, il a composé des mélodies, et parmi les plus belles :

- "Histoires naturelles" : 5 mélodies cocasses sur les textes de Jules Renard.
- "Shéhérazade" : suite de 3 poèmes d'inspiration orientale magnifiquement orchestrés et produisant une atmosphère exotique unique.




Attention, à partir de là, vous entrez dans d'autres mondes, plus difficiles d'accès...




BARTÓK Béla (1881-1945)

Compositeur hongrois, il est notamment célèbre pour sa "Musique pour cordes, percussion et célesta" (1936), une partition forte, tendue et contrastée, très originale, avec un premier mouvement mystérieux, inquiétant, dominé par les cordes qui montent lentement du silence à l'explosion, un deuxième mouvement énergique, très percussif et rythmique, d'une vigueur brutale et électrisante, un troisième à nouveau mystérieux et tendu, pour s'achever dans un quatrième mouvement animé par un thème folklorique enlevé. Un classique du XXème siècle.

- Sonate pour 2 pianos et percussions : un autre grand classique, pour une formation instrumentale inattendue, œuvre tendue à l'extrême, saccadée, violente, sombre, sauvage dans le premier mouvement ; lente, mystérieuse, lugubre et oppressante dans le deuxième ; claquante, énergique, explosive, frénétique et même tonitruante dans le troisième...

Il est aussi considéré comme le plus grand compositeur de quatuors après Beethoven, et les six qu'il a composés en trente ans apportent en effet une vision complètement nouvelle de cette forme. Avoir l'ensemble (seulement deux CDs) est une bonne idée, et les plus fascinants sont sans doute les n°1, 2, 4 et 5. Le plus puissant et le plus beau est le quatuor à cordes n°4 en ut majeur, tendu, dense, grave, sec, plein de vie, d'énergie sauvage, d'harmonies âpres, rudes, rugueuses et de hardiesses rythmiques. Grand chef-d'œuvre, c'est sans doute la plus belle œuvre de Bartok. Pour l'interprétation, plus les musiciens le jouent vite, mieux c'est... Le premier mouvement du quatuor n°5 en si bémol a la même inspiration et les mêmes qualités. Difficile d'accès.


A compléter...




STRAVINSKI Igor (1882-1971)

Grand compositeur russe du XXème siècle, sa musique se caractérise par une sorte de clarté, de grande lisibilité des plans sonores, utilisant les différents timbres des instruments de façon analytique, avec un grand sens des couleurs. On lui doit un monument qui a fait sa célébrité, et qui a révolutionné la musique et le ballet en son temps (1913), "Le sacre du printemps", en deux tableaux, qui évoque des fêtes païennes et le sacrifice d'une jeune femme aux dieux. La partition a une force sauvage, une énergie brute, des rythmes très marqués par un arsenal important de percussions, des harmonies violentes et contrastées, des timbres riches et variés, très colorés, en une sorte d'extase musicale puissante. Un des grands chefs-d'œuvre de l'histoire de la musique. Le chorégraphe Maurice Béjart en a fait un très beau et hypnotisant ballet.

On lui doit aussi une autre musique de ballet très connue, pas du tout dans le même esprit, qui raconte l'histoire d'un pantin amoureux, Petrouchka, partition pleine de vie, de couleurs, d'humour, de fantaisie, de fraîcheur, et de mélodies séduisantes reprenant des airs populaires, malgré le sort pourtant triste du pauvre Petrouchka... Un joyau où il n'y a pas une minute de trop.

Aucune de ses autres œuvres ne ressemble au "Sacre du printemps", et elles sont souvent moins hardies et beaucoup moins fortes. Il a eu notamment une longue période néo-classique très en retrait. Vers la fin de sa vie, il s'est laissé influencer par la musique sérielle et a composé quelques morceaux souvent courts mais denses, dépouillés, épurés, de belle qualité.
Sur toute sa carrière, on peut conseiller principalement :

- Concerto pour piano et instruments à vent : d'une vingtaine de minutes, c'est une musique claire, assez mélodieuse, d'une certaine élégance, notamment dans le deuxième mouvement, lent, grave, presque funèbre, dépouillé, délicat, séduisant par son caractère mélodique émouvant et facile d'accès.
- Mouvements pour piano et orchestre : œuvre sérielle très courte, en 5 mouvements de moins de 2 minutes
, pour petit orchestre, dense, claire, proche de Webern, éclatée, dépouillée, difficile d'accès.

- Le rossignol : opéra sur un conte d'Andersen d'inspiration chinoise, de 45 minutes, discrètement orientalisant, qui n'est pas un chef-d'œuvre, mais a du charme, de la grâce, dont le chant est souvent pur. L'interprétation de 1960 sous la direction de Stravinsky est idéale par son équilibre et par les clarté des voix. C'est vivant, nuancé et sobre.
- Les noces : autre petit opéra de 25 minutes, où les voix chantent souvent en chœur, accompagnées principalement pas des percussions et 4 pianos jouant aussi le rôle de percussions, dans un esprit proche du "Sacre...", mais beaucoup plus dépouillé. C'est violent, saccadé, énergique, très contrasté, martelé, peu mélodique et difficile d'accès.

- Cantate : sur des poèmes populaires anonymes des XVème et XVIème siècles, c'est une œuvre de 25 minutes au charme désuet, étrange, empreinte d'une certaine douceur, jouée par un orchestre de chambre qui lui donne son dépouillement, son caractère intime, entre la musique ancienne et l'atonalité du XXème siècle. Le Ricercar
de 12 minutes pour ténor qui en est le cœur est néanmoins trop long.
- Canticum sacrum ad honorem sancti marci nominis : œuvre plus courte que la précédente, elle est plus ardue,
austère, car d'inspiration atonale, et d'une certaine beauté froide, mêlant orchestre de chambre, chœur et solistes. Difficile d'accès.
- Introitus : œuvre à nouveau religieuse, très brève (moins de 4 minutes), sombre et profonde, chantée par un chœur accompagné d'un orchestre de chambre.
- Symphonie des psaumes : autre œuvre religieuse, tendue, sombre, plus proche de l'esprit du "Sacre...", c'est une musique qui porte l'empreinte du XXème siècle, puissante, d'une certaine beauté, avec des chœurs fervents qui en renforcent l'austérité et la gravité. Pas facile d'accès.
- Le déluge : un peu dans le même esprit, cette autre œuvre religieuse avec récitant, solistes et chœurs, d'une vingtaine de minutes, est puissante, austère, par son inspiration sérielle, grave, sombre et dense. Difficile d'accès.

L'œuvre de Stravinsky compte aussi des chansons. Les plus belles, les plus tendues, sont d'inspiration sérielle, à nouveau, dépouillées, sobres, claires, brèves (entre 1 et 2 minutes), accompagnées par un orchestre de chambre :
- 3 chants de Shakespeare
- In memoriam Dylan Thomas
- Elegy for JFK

La musique de Stravinsky a ceci de particulier qu'elle a en grande partie été jouée sous sa direction, car il était aussi chef d'orchestre, et ces enregistrements sont non seulement de précieux documents (ah si on avait Beethoven dirigé par Beethoven !), mais aussi des interprétations de référence...



WEBERN Anton (1883-1945)

Compositeur autrichien classé
avec Berg et Schönberg dans l'école de Vienne, qui a abandonné la tonalité au profit de la musique sérielle dodécaphonique, sa musique est complètement atypique et d'une densité très rare. Essentiellement composée de pièces brèves, la plupart ne durant pas plus de deux minutes, parfois quelques secondes, elle est tendue, extrêmement concentrée, vive et comme sculptée dans la matière sonore, à la fois puissante et très délicate, jouant autant avec le silence qu'avec les éclats de timbres d'instruments comme le violon, le violoncelle, le piano ou le quatuor à cordes... C'est d'ailleurs pour ces formations de chambre qu'il a composé les pièces les plus belles, sans graisse, où il va à l'essentiel, des bijoux taillés dans le diamant :
- Trois pièces pour quatuor à cordes (1913)
- Cinq mouvements pour quatuor à cordes opus 5
- Quatre pièces pour violon et piano opus 7 : sublimes de densité, de retenue, de concision, un chef-d'œuvre.
- Six bagatelles pour quatuor à cordes opus 9
- Trois pièces pour violoncelle et piano opus 11 : le pendant de l'opus 7, avec les mêmes qualités.
- Quartet opus 22
- Variations pour piano opus 27
- Quatuor à cordes opus 28

Dans quelques œuvres pour orchestre, on retrouve le même esprit :
- 5 pièces pour orchestre de 1913
- 6 pièces pour orchestre opus 6
- 5 pièces pour orchestre opus 10
- Symphonie opus 21
- Concerto opus 24
- Variations opus 30


Difficile d'accès, c'est une musique intense qui a influencé beaucoup de compositeurs du XXème siècle. Les autres œuvres ont à peu près les mêmes caractéristiques, mais ses œuvres de jeunesse, qui ne portent pas de numéro d'opus, sont souvent des pièces plus classiques et beaucoup moins passionnantes, et d'une certaine lourdeur post-wagnérienne... Dans le même esprit que les œuvres référencées ci-dessus, Webern a aussi composé des œuvres vocales, d'ailleurs les plus nombreuses... La totalité de son œuvre tient sur 6 CD.




BERG Alban (1885-1935)

Compositeur autrichien qui a assez peu produit, représentant,
avec Schönberg et Webern, du dodécaphonisme, l'une des premières formes de la musique atonale (cf wikipedia pour ces termes techniques), il reste cependant attaché à la force émotive de la musique, et à une certaine pureté mélodique qui donnent à ses compositions une grande force dramatique. Son œuvre la plus connue est son Concerto à la mémoire d'un ange, pour violon : musique intense, tendue, déchirante, mais difficile d'accès en raison des hardiesses atonales.
Il est aussi l'auteur de deux opéras, dont le plus fort est Wozzeck, un chef-d'œuvre du genre. Wozzeck est un ancien soldat et vit avec Marie, une ancienne prostituée avec qui il a eu un fils. Dans leur misère sociale, Wozzeck assure la survie en servant de cobaye à un médecin dont les traitements lui donnent des hallucinations qui vont amener à une fin tragique... On est proche de l'expressionnisme allemand, entre le drame social, psychologique, et le sordide. Opéra moins long que la moyenne, il n'est pas facile d'accès,
lui non plus, d'autant qu'il est lugubre et qu'il utilise le "sprechgesang" (chant parlé), façon de déclamer entre la parole et le chant qui produit une impression d'étrangeté et de malaise... Mais il n'y a dans Wozzeck pas de graisse, de vulgarité ou de facilité si courants dans l'opéra... A réserver à ceux qui sont déjà aguerris...




PROKOFIEV Sergueï (1891-1953)

L'un des compositeurs russes les plus connus, il est l'auteur de deux des plus belles musiques de ballets jamais composées :
- Roméo et Juliette op.64, ballet en quatre actes, de 2h30, d'après la pièce de Shakespeare, avec des airs sublimes, notamment la "Danse des chevaliers", le thème de Juliette, l'air de frère Laurent... Pour être plus précis, les différents morceaux étant numérotés (52 au total), sont à retenir particulièrement les 1 (introduction de l'acte I), 7 (le décret du prince), 10 (thème de Juliette), 13 (la célèbre et magnifique danse des chevaliers), 19 à 21 (suite des scènes du balcon et d'amour entre Roméo et Juliette), 29 (Juliette chez le frère Laurent, mariage avec Roméo), 36 (final de l'acte II, sublime passage du cortège portant le corps de Tybalt, qui exprime plus puissamment que n'importe quel autre morceau l'atrocité implacable du destin et l'irréversibilité), 37 et 38 (introduction de l'acte III et la dernière entrevue de Roméo et Juliette), 43 (interlude d'un peu plus d'une minute, déchirant, l'un des plus beaux passages du ballet), 44 à 47 (superbe, où Juliette se décide à boire le philtre qui doit l'endormir), et enfin 51 et 52, les deux derniers numéros, enchaînant les funérailles de Juliette, la mort de Roméo puis celle de Juliette...
- Cendrillon op.87, ballet en trois actes, d'après le conte de Perrault, pas tragique, lui, et musicalement moins émouvant et moins beau. On en retiendra surtout, sur les 50 numéros, les 1 (thème principal, en introduction de l'acte I), 11 (même thème, pour le retour de la mendiante), 18 (le thème de l'horloge), 19 (départ de Cendrillon pour le bal), 29 (arrivée de Cendrillon au bal), 30 (la grande valse), 36 à 38 (pas de deux entre Cendrillon et le prince, valse-coda et les 12 coups de minuit), 43 (Orientalia), et enfin 50 (final-amoroso)... Les beaux thèmes sont assez rares, mais ils sont vraiment beaux.
Précision importante : ces œuvres sont de la musique descriptive faite pour accompagner la danse, ce qui fait que les écouter comme n'importe quelle autre musique, sans voir les chorégraphies, donne l'impression de longueurs, de passages manquant de relief. Je vous conseille donc très fortement de voir les ballets complets à l'Opéra de Paris avec les danseurs de l'Opéra de Paris (actuellement les meilleurs du monde, avec les plus grandes étoiles), dans la version qu'en a faite Rudolf Noureev. C'est magistral, somptueux, magnifique, avec des décors, des costumes, des chorégraphies et une mise en scène d'une richesse exceptionnelle. Spectacle total, c'est la grande émotion assurée, surtout Roméo et Juliette... Si la fin ne vous fait pas pleurer, c'est que vous n'êtes pas humain... Bien sûr, c'est onéreux et c'est un spectacle de luxe, mais à voir une fois dans sa vie, au moins... Et puis, faute de mieux, ça existe en DVD...
Il existe des suites pour orchestre des plus belles pages de ces ballets, ce qui permet d'aller à l'essentiel :
Pour Roméo et Juliette : Première suite symphonique op. 64 bis, Deuxième suite symphonique op. 64 ter
, Troisième suite symphonique op. 101.
Pour Cendrillon :
Première suite symphonique op. 107, Deuxième suite symphonique op. 108, Troisième suite symphonique op. 109.
Et il y a encore la possibilité d'écouter les transcriptions pour piano de ces suites, faites par Prokofiev, qui donnent à ces œuvres un caractère plus intime et très touchant.

Parmi ses 7 symphonies, qui ne s'imposent pas vraiment comme des chefs-d'œuvre, on retiendra la plus belle, la Symphonie n°5 en mi bémol Op.100, qui reprend quelques thèmes de "Roméo et Juliette", notamment dans les beaux deuxième et troisième mouvements, qui font l'intérêt de cette symphonie... Facile d'accès.


- Visions fugitives op. 22 : 20 miniatures pour piano dont certaines font penser à Satie. Musique délicate et variée.
- Sonate pour violon et piano n°1 en fa majeur op. 80 : très belle musique, intime, émouvante, sensible, dont le premier et le dernier mouvements comportent des passages sombres, tendus, magnifiquement tragiques.

On peut encore citer "Alexandre Nevski", cantate opus 78, œuvre pour soprano, chœur et orchestre puissante, intense, tendue, et même
tonitruante, grandiose et bouffie de patriotisme, mais prenante par son souffle épique et théâtral. Par sa relative lourdeur, ça n'est pas vraiment un chef-d'œuvre, mais c'est efficace, coloré, vivant et sans longueur.


A compléter...


ORFF Carl (1895-1982)

Compositeur allemand, ça n'est pas un grand, et certains mélomanes seraient étonnés de le trouver là, mais force est de constater que son œuvre la plus célèbre, Carmina Burana, est séduisante et comporte de beaux passages, dont le célèbre "O Fortuna" qui ouvre et ferme le cycle, très impressionnant, trop entendu dans n'importe quoi, mais unique en son genre, et vraiment beau, d'un souffle exceptionnel... Les Carmina Burana sont une suite de 24 poèmes tirés d'un recueil du Moyen Âge, et arrangés avec simplicité pour rendre cette musique facile d'accès. Il y a certaines vulgarités de ton (qui font penser parfois à de l'opéra italien), mais justifiées par les textes qui sont surtout des odes aux plaisirs de toutes sortes, à la vie, à l'ivresse et à l'amour. C'est enlevé, contrasté, coloré. Une version autorisée par le compositeur se distingue depuis 1968 :
Carl Orff : Carmina Burana, chœur et orchestre du Deutscher Oper de Berlin, dirigé par Eugen Jochum, avec Gundula Janowitz, Dietrich Fischer-Dieskau, et Gerhard Stolze



POULENC Francis (1899-1963)

Compositeur emblématique d'un certain goût français de la première moitié du XXème siècle, sa musique est assez souvent légère, apparemment pas très profonde, mais elle recèle quelques pépites. - Concerto pour 2 pianos en ré mineur, œuvre alternant passages énergiques, entre Satie et Ravel, et de beaux passages doux, comme le deuxième mouvement, exquis, et la fin du premier, où les pianos imitent un gamelang balinais...
- Stabat mater : œuvre religieuse globalement calme, douce, d'une assez belle musicalité, homogène, d'une certaine profondeur discrète et bien élevée, plutôt sobre.

Sa musique pour piano seul n'est jamais profonde, et n'a rien qui marque, mais son atmosphère « Belle époque », voire années 20-30, est d'une légèreté agréable, entre des morceaux sautillants un peu à la Satie, mais en plus virtuoses, et quelques pièces d'une discrète et douce mélancolie.




CHOSTAKOVITCH Dmitri (1906-1975)

Compositeur russe qui a toute sa vie souffert du régime soviétique, il a composé une musique au ton souvent sarcastique, grinçant, et même grotesque, mais aussi sans doute la plus tragique qui soit. Certaines de ses œuvres sont douloureuses à un point à peine supportable, et ce sont évidemment les plus belles. Et, comme souvent, c'est dans sa musique de chambre qu'on trouve les plus fortes, car le petit effectif instrumental se prête à l'intime et à la profondeur des sentiments.
- Quintette avec piano en sol mineur, opus 57 : d'une grande force tragique, intense, paroxystique.
- Trio nº2 pour violon, violoncelle et piano en mi mineur, opus 67 : plus original dans sa facture, et tout aussi émouvant, on y atteint le comble de la tristesse, dès le début, dépouillé, où s'étire une mélodie simple et mélancolique d'abord jouée en harmoniques au violoncelle (ce qui est techniquement très difficile, et beaucoup de violoncellistes se plantent en concert...) puis au violon. Musique sublime, à pleurer, on n'a peut-être pas fait plus morbide.
- Sonate pour piano n°2 opus 61 : avec un deuxième mouvement lent, grave, dépouillé, beau, et un troisième plus vif, moins triste mais beau aussi...

Il a composé 15 quatuors, dont les plus beaux, les plus doux et les plus tristes sont les 7, 10, 11, 13, 14, et surtout :
- Quatuor à cordes n° 8 en ut mineur, opus 110 : plus facile d'accès que beaucoup, il a une place particulière dans les quatuors de Chostakovitch, car il a été écrit en hommage "aux victimes de la guerre et du fascisme", après un séjour dans la ville allemande de Dresde, dévastée par les bombardements. C'est une œuvre plutôt courte (20 minutes), intense, tragique, sans aucune longueur, d'une très grande puissance émotionnelle. Chostakovitch en disait : "Enfin, j'ai écrit une œuvre que je voudrais qu'on joue à mon enterrement".
- Quatuor à cordes n° 15 en mi bémol mineur, opus 144 : l'une des toutes dernières œuvres de Chostakovitch, est aussi son dernier quatuor et l'aboutissement de sa démarche. Composé uniquement de mouvements lents, à aucun moment il ne quitte la tristesse et le dépouillement. Musique peu mélodique, qui fait immanquablement penser à la mort, elle s'étire sans fin. Le compositeur en disait lui-même (d'après wikipedia) : "Il faut le jouer de telle sorte que les mouches tombent mortes du plafond et que les spectateurs commencent à sortir de la salle par pur ennui". Il savait qu'il allait mourir. Difficile d'accès, mais un sommet absolu, non pas dans l'ennui mais dans la beauté... Personnellement, je trouve que les meilleurs interprètes de ces quatuors sont le quatuor Fitzwilliam (et non le quatuor Borodine, surévalué), car il atteint une plus grande beauté sonore, par une certaine froideur qui donne à la fois un caractère plus abstrait, plus élégant, et aussi plus profond...

Chostakovitch a aussi composé 15 symphonies, de qualité inégale, selon sans doute la nature des relations qu'il avait avec le pouvoir soviétique, tantôt au service de la propagande, tantôt menacé, à la limite de la dissidence, et désespéré. On retrouve dans beaucoup d'elles une évidente influence de Mahler. Les plus belles pages sont :
- Symphonie n°4 en ut mineur : surtout les 4ème et 5ème mouvements (ils s'enchaînent), avec un beau final douloureux, tragique, intense, avant de retomber dans une douceur tendue, où la musique s'éteint
comme tombe la nuit sur les ruines fumantes d'un champ de bataille...
- Symphonie n°5 en ré mineur : le premier mouvement alterne des passages émouvants, tragiques, parfois sublimes, et d'autres dans le style "grotesque" typique du compositeur, mélangeant le douloureux et l'ironie méchante, notamment par l'utilisation tonitruante et sardonique des cuivres. Le 2ème, très proche de Mahler, qui a beaucoup influencé Chostakovitch, a lui aussi un côté clownesque, mais léger et mélodieux. Le 3ème, lent et triste mais manquant de caractère, finit par prendre forme et intensité. Le dernier mouvement est un final tonitruant, comme à la gloire du régime soviétique, mais comporte un passage doux et triste en son milieu, et se termine par une montée puissante où une même note obstinément répétée donne une forte tension.
- Symphonie n°7 en ut majeur : symphonie de plus de 70 minutes, son premier mouvement a ceci de particulier que, après 5 minutes de musique douce et lente, commence une longue parade, comme une marche militaire, qui avance de façon répétitive et irrésistible, comme le Boléro de Ravel, montant peu à peu, sur une dizaine de minutes, d'abord martelée doucement par les caisses claires et les pizzicati des cordes, puis s'intensifiant de tout l'orchestre, en une espèce d'apogée, puis retombe après 20 minutes dans la douceur du début, où résonne pour finir comme un écho de la marche.... Long mais efficace. Le 2ème mouvement est lent, doux, mais avec une pointe d'ironie, d'humour grinçant. Le 3ème est lui aussi doux et triste, avant de virer en une farandole, une valse sardonique. Le caractère héroïque du dernier mouvement n'est pas passionnant, mais son final, bien que lourd, est efficace, par son côté répétitif et lancinant.
- Symphonie n°11 en sol mineur : après un premier mouvement beau, triste, lent, douloureux, le deuxième, basé sur un thème populaire comme leitmotiv, est lui violent, rapide, intense et prenant. Le 3ème est lent et funèbre. Le dernier, aussi le moins beau, est d'un patriotisme un peu lourd.
- Symphonie n°15 en la mineur, opus 141 : la dernière symphonie de Chostakovitch est aussi la plus belle. Il ne faut pas se laisser rebuter par le caractère clownesque du premier mouvement, dans le goût grotesque qui est la signature du compositeur, où l'on entend des citations de la célèbre ouverture de Guillaume Tell (Rossini), car la beauté triste du 2ème mouvement est d'un tout autre style. Il est profond, grave, débutant par un solo de violoncelle, puis s'étoffe, change de thème, la tension monte, puis explose sur des cuivres éclatants, en un rythme martial imposant et ample, avant de retomber dans la douceur d'une sorte de sonnerie aux morts sur fonds de cordes transparentes, mystérieuses et lugubres. Le court 3ème mouvement, qui enchaîne sans silence, surprend par l'irruption, à nouveau, d'un ton narquois, fantasque, moqueur, grinçant. Mais le 4ème mouvement, d'un quart d'heure, constitue l'un des chefs-d'œuvre de Chostakovitch : il débute par une mélodie aux violons, sensible, délicate, puis le mouvement glisse vers une tristesse de plus en plus grande, s'assombrit en même temps qu'elle prend de la force, s'intensifie, éclate enfin dans un thème puissant et déchirant de douleur, d'une intensité presque insoutenable, avant de retomber dans un quasi silence, où ne restent que quelques percussions, violoncelles et contrebasses jouant doucement, retenus... Le joli thème du début, innocent et nostalgique, réapparaît, fragile, et laisse bientôt place à une partie de percussions très douces, délicates, sur un tapis de cordes tendues et lointaines, progressant vers la fin, le silence et la mort, comme un cœur s'arrête de battre. L'un des plus beaux finals de symphonies qui soient...


MESSIAEN Olivier (1908-1992)

Compositeur français, l'une de ses œuvres les plus connues et les plus accessibles est le "Quatuor pour la fin du Temps", composé en camp de concentration en 1940, pour piano, violon, violoncelle et clarinette. C'est une œuvre très émouvante, particulièrement les mouvements 5 et 8, tous les deux lents, l'un unissant le piano et le violoncelle, l'autre le piano et le violon. Musique profonde, intense et souvent dépouillée. Hormis les deux mouvements cités, plutôt difficile d'accès.

A compléter...



BRITTEN Benjamin (1913-1976)

Compositeur anglais, découvreur de Kathleen Ferrier, il a écrit une musique claire, peu chargée, à l'instrumentation généralement dépouillée, au ton original.
Parmi ses plus belles œuvres, on compte le War Requiem opus 66, œuvre monumentale écrite après la deuxième guerre mondiale en hommage aux victimes, et alternant les textes traditionnels du requiem romain et des textes écrits dans les tranchées de la première guerre mondiale par le poète anglais Wilfred Owen, qui y mourut en 1918. Conçue pour un effectif important, cette œuvre réunit un orchestre symphonique, un orchestre de chambre, un chœur d'hommes et de femmes, un chœur d'enfants (garçons), un petit orgue, et des solistes : un baryton, un ténor et une soprano. L'œuvre est sombre, violente, tendue, d'une grande force émotionnelle, et s'achève sur une prière des morts ("Let us sleep now in paradisium") particulièrement belle, tandis qu'une cloche funèbre appelle au silence. Il existe sans doute d'autres versions honorables, mais la référence reste celle enregistrée et dirigée par le compositeur lui-même, avec les interprètes qui ont créé l'œuvre en public :
Britten : War Requiem op 66, Galina
Vishnevskaya (soprano), Dietrich Fischer-Dieskau (baryton) et Peter Pears (ténor), London Symphony Orchestra dirigé par Britten (1963)

Britten a composé un certain nombre d'opéras, dont le plus beau est aussi le plus dépouillé : Mort à Venise, d'après la nouvelle de Thomas Mann (portée au cinéma par Luchino Visconti). C'est une sorte d'opéra de chambre, si on tient compte de l'effectif orchestral, d'une certaine pureté musicale, où on retrouve le style apparemment simple et léger de Britten, mais qui montre bien le combat moral et la déchéance de cet homme amoureux de la beauté d'un adolescent. Un très bel opéra, unique en son genre, mêlant gravité, légèreté, grotesque, finesse et pureté.

A compléter...



LIGETI Györgi (1923-2006)

Compositeur roumain parmi les plus importants de la deuxième moitié du XXème siècle, il a écrit des pièces d'une intensité dramatique parfois difficile à supporter, avec des effets jouant sur la densité de la pâte et de la masse sonores, où on ne distingue plus vraiment les timbres des instruments qui se fondent..
- Requiem : en quatre parties, il ne ressemble à aucun autre, et joue beaucoup sur ce principe de fusion des timbres en une masse indistincte et ici monstrueuse. Dans le Kyrie (2ème partie), passant du presque inaudible à des accès de violence, les chœurs mêlent les voix en un flux indistinct, qui s'intensifie peu à peu en une grande masse sonore grouillante, foisonnante, lancinante et angoissante, d'une tension extrême. C'est sans doute ce qu'on a écrit de plus angoissant, de plus intense. C'est à la fois complètement effrayant et sublime. On est dans un univers sonore inconnu où les repères sont perdus, et où l'auditeur est submergé par un flot presque irréel qui semble être la voix de l'univers entier... A noter que le cinéaste Stanley Kubrick a beaucoup utilisé cette musique (dans "2001, Odyssée de l'espace" notamment).
Le troisième mouvement est le plus âpre, le moins séduisant.
- "Lontano" : on retrouve un peu les mêmes effets de masses sonores étirées et fondues que dans le Kyrie du Requiem, mais cette fois sans les voix, et avec de la douceur, produisant de beaux sons diaphanes, éthérés...
- "Atmosphères" : même remarque, en un peu plus violent...
- "Lux aeterna" pour chœur mixte à 16 voix a cappella : pièce de 8 minutes sur le même principe de timbres fondus en une masse uniforme, moins tendue que le Requiem.
- "Clocks and clouds"pour 12 voix de femmes : un peu sur le même principe de masse sonore indistincte et longuement étirée, c'est une œuvre plus douce, moins tendue, sans doute grâce à des sonorités profondes et lumineuses, où les instruments se mélangent avec les voix de femmes utilisées elles aussi comme des instruments.
- Quatuor n°1 "Métamorphoses nocturnes" : premier quatuor à cordes de Ligeti, il enchaîne 8 mouvements très influencés par les quatuors de Bartok (rythme des passages vifs). C'est une belle œuvre tendue et triste.
- Quatuor n°2 : un quatuor à cordes dense, tendu, fourmillant, vivant, fin, avec un merveilleux cinquième et dernier mouvement... Un bijou absolument parfait, taillé dans du diamant. La version par le quatuor La Salle me semble la plus fine, la plus subtile.
- "Ramifications" pour orchestre à cordes : dans le même esprit que le deuxième quatuor, une œuvre dense, tendue, jouant sur la finesse des textures sonores des cordes.
- Concerto pour violoncelle : 2 mouvements, dont le premier est le plus beau, doux et tendu, tout en finesse, aux timbres délicats et denses, tandis que le second, en partie moins séduisant, est plus animé et fait éclater des accès de vents.
- Double concerto pour flûte, hautbois et orchestre : même esprit de fusion des timbres, d'unisson, de flottement des phrases, surtout dans le premier mouvement.
Tout cela est franchement difficile d'accès, mais très beau.
- Concerto pour violon et orchestre : plus classique, cette œuvre d'une demi-heure en 5 mouvements n'a pas les effets de masses sonores fondues, mais a une beauté étrange, alliant tension et profondeur.
- 10 pièces pour quintette à vents




NONO Luigi (1924-1990)

Compositeur italien connu pour ses engagements politiques au parti communiste qui influenceront sa musique, notamment ses textes, il fut l'un des musiciens les plus radicaux du XXème siècle. Il a notamment basé certaines de ses œuvres sur des procédés aléatoires, et un travail sur bande magnétique, mêlant électronique, instruments acoustiques et voix. Parmi ses œuvres les plus appréciées, la plupart sont de la dernière période de son travail, pendant les années 80 :
- "Fragmente-Stille, An Diotima" pour quatuor à cordes : les instruments rompent le silence par éclats, d'une grande
densité sonore, comme sculptés, parfois indépendamment les uns des autres, ou liés en longs traits mystérieux produisant une tension à la fois forte et calme... Une des œuvres maîtresses de Nono et du XXème siècle.
- "Hay que caminar", soñando, pour 2 violons : dans la même lignée que les "Fragmente-stille", cette pièce de 1989 est une des toutes dernières du compositeur.
- "No hay caminos, hay que caminar... Andrei Tarkovski", pour 7 groupes instrumentaux et vocaux : en hommage au cinéaste mort l'année précédente (l'œuvre est de 1987), cette œuvre de 25 minutes est elle aussi pleine de silences et d'éclats, parfois puissants (percussions notamment), parfois à la limite de l'audible... Beaucoup de tenue, de retenue et de profondeur...
- "La lontananza nostalgica utopica futura". Madrigale per più caminantes con Gidon Kremer, pour violon solo et huit bandes magnétiques.




GOUBAÏDOULINA Sofia (1931-pas morte)

On trouve aussi "Gubaidulina"... Compositrice russe très inspirée par la musique sérielle (allez voir sur wikipedia), sa musique est ample, épurée, et laisse beaucoup de place au silence et à la lenteur.
- "Offertorium", concerto pour violon et orchestre, est l
'une de ses œuvres les plus importantes. Même si les dissonances et les violences de cette œuvre risquent de vous faire fuir, elle est puissante, douloureuse, et son dernier mouvement, très beau, dense, pur, d'une grande tension dramatique, va vers une sorte d'apaisement...
- "Introitus", Concerto pour piano : musique dépouillée, élégante, profonde, hypnotique et triste, avec sa partie de piano répétitive et sombre, même si les dernières minutes de l'œuvre sont moins captivantes.
- "Le danseur de corde", pour piano et violon, est aussi une œuvre intense, tendue à l'extrême, d'une grande beauté et d'une grande pureté, surtout sa deuxième partie (moitié).
- Quatuor à cordes n°3 : très fin, doux, léger, avec de longs passages en pizzicato, c'est aussi une pièce délicate, pure, dépouillée et belle...

Les deux premiers quatuors et le trio à cordes sont beaux également.
- "Silenzio" pour accordéon, violon et violoncelle : lent, profond et doux.
- "In Croce" pour accordéon, violon et violoncelle : douloureux, tendu, épuré, intense, dépouillé, élégant, etc...
Musique difficile d'accès.





PENDERECKI Krzyztof (1933-pas mort)

Compositeur polonais, il est l'auteur d'un Dies irae, oratorio à la mémoire des victimes d'Auschwitz, qui, comme son nom le laisse entendre, est une œuvre très forte, violente, tragique, d'une intensité à peine soutenable, mais très belle, bien que difficile, traitant admirablement son sujet... Comme il en existe de mauvaises interprétations, je précise celle qui rend pleinement justice à cette œuvre, et qui fut celle de sa création en 1967 :
Dies Irae - Auschwitz oratorio : Stefania Woytowicz (soprano), Wieslaw Ochman (ténor), Bernard Ladysz (basse), chœur et orchestre philharmonique de Cracovie sous la direction de Henryk Czyz.


SCHNITTKE Alfred (1934-1998)

Compositeur russe d'origine allemande, comme son nom le laisse supposer,





PÄRT Arvo (1935-pas mort)

Compositeur estonien, c'est un mystique dont la musique très pure porte l'empreinte de sa religiosité, ce qui lui donne une force expressive très grande. Musique assez simple d'apparence, elle est très belle, fascinante, émouvante, touchant tout le monde, car ses pièces les plus connues sont faciles d'accès :
- "Tabula Rasa" pour deux violons, orchestre à cordes et piano préparé : une pièce d'une très grande intensité, et d'une force tragique exceptionnelle. Tout y est tendu à l'extrême et bouleversant. Sans doute son chef-d'œuvre le plus connu, et une très bonne entrée dans ce type de musique, à la portée de tout le monde.
- "Fratres" pour violon et piano : à peu près dans le même style, c'est une œuvre très pure, dépouillée et sublime, profondément émouvante. Il en existe plusieurs versions, mais il me semble que celle pour violon et piano est la plus recommandable... Là encore, c'est une musique facile d'accès.
- "Spiegel im spiegel" pour violon et piano
: espèce de berceuse très douce, très pure, très belle.
- "Pari Intervallo" (version pour orgue) : courte pièce de 5 minutes, écrite à l'origine pour 4 flûtes à bec, la version pour orgue est très belle, très douce, lente, méditative et mélancolique. Un petit bijou.
- "De profundis"
: une autre pièce courte et très belle, pour chœur et orgue, simple, sombre mais montant peu à peu vers la lumière.
- "Summa" : encore une pièce aux alentours de 5 minutes, minimaliste, plutôt calme, paisible, dont il existe une version pour chœur et une autre pour cordes, belles toutes les deux...




REICH Steve (1936-pas mort)

Compositeur américain
emblématique de ce qu'on appelle la musique minimaliste et répétitive, il a composé des pièces où la musique donne l'impression d'avancer doucement en tournoyant, évoluant peu à peu en prenant de l'épaisseur, des couleurs plus riches, plus variées, mais centrées sur des cellules rythmiques qu'on peut juger soit (très) lassantes, soit hypnotisantes et fascinantes, selon la sensibilité de l'auditeur... Ce sont souvent de longues pièces, en raison même du principe de construction évoqué. Lorsque ça fonctionne bien, cette musique donne une impression d'apesanteur, de clarté et de balancement. L'œuvre la plus appréciée dans ce style est :
- "Music for 18 musicians"
: cette œuvre illustre parfaitement ce que je viens de présenter : près d'une heure de montée vers la lumière, en une lente évolution très répétitive, enchaînant 14 parties dans un même flux, rythmé par des marimbas, vibraphones et xylophones, dont le jeu inspiré des gamelang balinais donne une couleur exotique à l'ensemble. Sur cette base se greffent des cellules mélodiques simples d'autres instruments, notamment de 4 pianos, 2 clarinettes basse dont le timbre
profond accompagne certains passages importants sur des notes répétées, avec un effet de montée et descente de volume qui donne l'impression d'un objet qui passe et s'éloigne... Il y a aussi 4 voix de femmes, mais utilisées comme des instruments, se fondant totalement dans la masse sonore... Il faut avoir entendu cette pièce au moins une fois et s'être laissé bercer...
- "Eight Lines" :
un peu dans le même style, on peut aussi apprécier cette pièce à huit voix, comme son nom l'indique, d'un quart d'heure environ, basée sur des rythmes très répétitifs et entraînants, utilisant 2 pianos comme instruments percussifs, opérant ainsi une sorte de fascination hypnotique, auxquels s'ajoutent deux quatuors à cordes, deux flûtes et deux clarinettes. Il faut se laisser emporter pour aimer cette musique...

Illustrant un autre aspect du travail de Reich, on peut évoquer certaines œuvres mêlant aux instruments d'orchestre des bandes magnétiques avec des enregistrements de voix et autres bruits de rue, traités comme des éléments musicaux. Ainsi, parmi les pièces les plus réussies, on compte :
- "City Life" : composée à partir de bruits de la ville de New York, cette pièce de près de 25 minutes n'en est pas moins jouée par un orchestre d'une petite vingtaine de musiciens, et comprend plusieurs mouvements où les alarmes, coups de frein, bruits de chantier et paroles de passants font partie intégrante de la musique. Je ne parlerai pas de chef-d'œuvre...
- "Different trains" : à peu près dans le même esprit, mais cette fois centrée sur des bruits de train, et l'allusion aux trains de la deuxième guerre mondiale, il s'agit d'une pièce de 27 minutes pour quatuor à cordes et bandes magnétiques, en trois mouvements, obstinément répétitive, où les voix, les sifflets de locomotives et les bruits de sirènes occupent une grande place. Là non plus, je ne parlerai pas de chef-d'œuvre, mais c'est assez fascinant... Je cite ces deux pièces pour les curieux.





GLASS Philip (1937-pas mort)

Compositeur américain lui aussi mondialement connu comme représentant de la musique minimaliste et répétitive, il est l'auteur de pièces basées en effet sur des cellules mélodiques et rythmiques tournoyantes qui ont un effet hypnotique. Parmi ses œuvres les plus connues et les plus appréciées, il y en a de très accessibles, qui se sont nettement éloignées du minimalisme et sont de facture plus classique :
- Company pour orchestre à cordes, pièce sombre en 4 mouvements qui ont quelque chose d'automnal.
- Concerto pour violon et orchestre, particulièrement le deuxième mouvement, très émouvant.
Deux œuvres belles et envoûtantes qui devraient vous séduire facilement.


D'autres à venir...


Si mes avis vous intéressent, vous pouvez en retrouver sur le site Amazon, où je laisse des commentaires, sous le pseudonyme EB : Commentaires EB


   

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